Conférence
Un plaidoyer pour l’agriculture
À l’invitation du Crédit Agricole, l’économiste Sylvie Brunel a tenu une conférence baptisée « Agriculteur et fier de l’être », le 3 décembre à Limoges. L’écrivaine a décortiqué les idées reçues dont l’agriculture est victime.
À l’invitation du Crédit Agricole, l’économiste Sylvie Brunel a tenu une conférence baptisée « Agriculteur et fier de l’être », le 3 décembre à Limoges. L’écrivaine a décortiqué les idées reçues dont l’agriculture est victime.
À en juger par le public venu nombreux, l’intervention de Sylvie Brunel était très attendue. Géographe de formation, économiste spécialiste des questions de développement, Sylvie Brunel a longtemps travaillé dans l’humanitaire, à Médecins sans frontières puis Action contre la Faim, qu’elle a dirigée puis présidée de 2001 à 2002. Aujourd’hui professeur à la Sorbonne, elle est fréquemment invitée sur les plateaux de télévision, où elle défend l’agriculture française face à l’agribashing ambiant.
Si le changement climatique est une réalité qui doit amener à s’interroger sur la gestion de l’eau, pour Sylvie Brunel, il est d’autres questions écologiques qu’il faut relativiser. L’épuisement des ressources ? Celles-ci ne sont pas réellement un stock mais plutôt un flux qui évolue en fonction de l’ingéniosité humaine. La notion de paysage comme héritage ? L’agriculture façonne les paysages depuis toujours et les écosystèmes sont en perpétuelle évolution. « Il faut se battre contre les prophètes de l’effondrement, appelle la géographe. Nous pouvons rendre la planète plus belle mais ce ne sera possible qu’avec les agriculteurs ».
Et ce n’est pas chose aisée lorsqu’on voit le fossé qui se creuse entre monde rural et monde urbain. S’ils ne supportent plus les réalités du métier d’agriculteur, les habitants de ce dernier cherchent en même temps une alimentation de plus en plus sûre. « Ils oublient que dans les années 60, le rendement à l’hectare était de 30 q, contre le double aujourd’hui, souligne Sylvie Brunel. À l’époque, 4 000 personnes mourraient chaque année d’une contamination alimentaire. Aujourd’hui, le chiffre est descendu à 200 ».
Accroître la production d’ici 2050
Ce progrès a été notamment rendu possible par les produits phytosanitaires, mis au pilori aujourd’hui. « La protection des cultures est une nécessité absolue, insiste Sylvie Brunel. Aujourd’hui, 25 % des récoltes mondiales sont contaminées par l’aflatoxine et sans traitement, on peut craindre le retour de l’ergotisme par exemple ».
Pour preuve des efforts faits par les agriculteurs français en la matière, un chiffre : ¾ des molécules utilisées avant 1993 ne sont plus utilisées aujourd’hui. En outre, la moitié de la production mondiale pourrait être perdue sans protection des cultures. Pour l’économiste, l’agriculture est aujourd’hui plus que jamais un domaine stratégique. Selon la FAO, deux milliards de tonnes de céréales et 300 millions de tonnes de viande supplémentaire seraient nécessaires au niveau mondial d’ici 2050. Dans ce contexte, les voies proposées, conversion au bio, vente directe, montée en gamme ne sont pas généralisables pour Sylvie Brunel. « Les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus cher et certains ne le peuvent tout simplement pas », explique-t-elle.
S’agissant de la montée en puissance des lobbies anti-viande et, derrière eux, celui de la viande synthétique, l’économiste appelle à la vigilance et à la communication globale du monde agricole, qui passe outre les divergences d’opinions. Sylvie Brunel insiste : « Ces gens ne sont pas des “cons”, ce sont des gens qui ont peur et ont besoin d’être rassurés. Vous luttez contre les maladies pour protéger vos cultures et vos concitoyens. Dites-leur à quel point vous luttez pour eux, sans eux et parfois contre eux ».