Une alliance pour la nature
La seule réserve naturelle régionale (RNR) des Deux-Sèvres, le Bocage des Antonins, à Saint-Marc-la-Lande, est aussi un pâturage à plus de 70 %. Les principaux exploitants, les frères Baribault, et le conservateur de la RNR, Alexandre Boissinot, expliquent leurs choix.
La RNR du Bocage des Antonins fait partie de la dizaine de réserves naturelles françaises à protéger un site bocager mais elle est la seule à porter « bocage » dans son nom. Ce terme, son conservateur, Alexandre Boissinot, y est attaché, comme il est attaché à ce qu'il représente : un paysage façonné depuis le Moyen-Âge par des agriculteurs, qui a engendré une biodiversité très hétérogène (*), en lien avec la prairie et les haies arborées, et qui est aujourd'hui le refuge d'espèces de plus en plus rares dans la région, voire en France puisque le bocage est menacé. Voilà pourquoi il a demandé aux frères Baribault de louer une parcelle sur la réserve de Saint-Marc-la-Lande, en 2017, suite au décès de l'ancien exploitant.
« S'il n'y a plus d'élevage, il n'y a plus de bocage. Il a été créé pour cela. Le paysage, la biodiversité qui s'y développe, et l'activité humaine vont de pair. On ne peut pas concevoir le maintien des prairies sans le travail des vaches. Cinq ans sans pâturage et le boisement spontané recouvre les prés. Christophe et Guillaume sont installés à côté de la réserve, ils élèvent des Parthenaises et il fallait une race locale, ça tombait bien », développe Alexandre Boissinot.
« On a la fibre »
Les Baribault occupent 16 ha sur les 22,6 que compte la réserve (**), ce qui représente à peine un dixième de leur exploitation (185 ha). En démarche Label rouge, en conventionnel, ils dénombrent 125 vêlages par an, environ. « On a choisi de louer sur la réserve pour l'alimentation des bêtes, car ces hectares sécurisent notre système. Et on a la fibre. Le plus grand champ, chez nous, fait 5 ha. Le bocage, on le connaît, on l'a toujours connu. On a toujours préservé le maillage. Ça évite l'érosion des sols. En cas de canicule, c'est un confort pour les animaux ; ils profitent mieux à l'ombre », argumente Christophe.
Ce n'est pas non plus le premier bail environnemental qu'ils signent - aucun intrant n'est autorisé, entre autres -. Quel avantage ? « Alexandre fait les clôtures », plaisantent-ils, dans un grand éclat de rire. Engagés dans une démarche de réduction des intrants, leurs prairies étant naturelles à près de 40 %, faire pâturer une réserve ne les a pas chamboulés. Ils font régulièrement part de leurs observations sur le Bocage au conservateur et vice-versa. « Le but est que chacun y trouve son compte », conclut Alexandre Boissinot.
(*) 380 espèces de plantes et 800 taxons de faune ont déjà été recensés sur la RNR deux-sévrienne.
(**) Robert Ricochon, le second agriculteur de la réserve, exploite 0,68 ha.
La biodiversité sur la réserve naturelle régionale du Bocage des Antonins
Pas moins de 380 plantes ont été répertoriées sur la RNR dont 34 ont aujourd'hui un statut patrimonial reconnu comme la Littorelle à une fleur ou la Pilulaire à globules, deux espèces protégées, et 25 espèces sont inscrites sur une liste rouge (du Poitou-Charentes, du Massif armoricain et/ou au niveau national) du fait de leur risque de disparition, à l’exemple de la Châtaigne d’eau ou de la Potentille des Anglais.
En quelques années, 800 taxons de faune ont déjà été inventoriés sur la RNR, dans seulement dix groupes étudiés : 29 mammifères, 128 oiseaux, 4 reptiles, 10 amphibiens, 51 papillons de jour, 267 papillons de nuit, 39 libellules, 38 criquets ou sauterelles, 225 coléoptères et 6 poissons.
Nicolas Cotrel
DSNE