Viticulteurs et sénateurs sur la même longueur d’onde
L’UGVC a accueilli Daniel Laurent et Corinne Imbert sur l’exploitation de Jean-Baptiste Mariau, le 22 janvier à Neulles. L’occasion d’aborder l’actualité de la filière, dominée par les inquiétudes liées à la nouvelle taxe américaine.
À l’automne dernier, les élus de l’UGVC avaient profité des vendanges pour s’entretenir avec le préfet sur les enjeux de la filière, puis s’étaient entretenus avec des députés des Charentes. Cette fois, c’est en pleine distillation que les sénateurs Daniel Laurent et Corinne Imbert ont été conviés sur l’exploitation de Jean-Baptiste Mariau. Les deux élus, membres du groupe d’études sénatorial Vigne et vin – que préside Daniel Laurent – ont pu échanger avec des membres du bureau du syndicat cognaçais autour de sujets d’actualité.
Au milieu des alambics en cuivre, Anthony Brun, président de l’UGVC, a d’abord rappelé les bons chiffres dévoilés l’avant-veille par le BNIC. « On a eu la chance d’avoir une récolte généreuse », a-t-il souligné. « Il y avait surtout une absence totale de pourriture », a ajouté Nicolas Baudry, viticulteur à Clion-sur-Seugne. Jean-Baptiste Mariau a de son côté noté « quelques petits soucis au départ de la distillation, mais là, c’est pas mal… » Avec ce succès de la récolte, « on a la possibilité de constituer de la réserve climatique », a souligné Anthony Brun. Un atout pour la filière en cette période incertaine. « D’une certaine manière, on n’a pas le problème de ceux qui ne produisent que des vins et ne peuvent pas les garder une ou deux années de plus. »
De son côté, Daniel Laurent est revenu sur l’autre information annoncée par le BNIC, à savoir les hectares de plantations nouvelles accordés par FranceAgriMer. « On est en train de planter plein pot ! » s’est exclamé celui qui se dit « toujours viticulteur dans l’âme », même s’il a aujourd’hui vendu son exploitation de Pons. « Ce n’est pas dans l’intérêt de la filière de trop produire », a assuré de son côté Anthony Brun, selon qui les requêtes de plantations, élaborées dans le cadre du Business plan, cadrent avec l’augmentation prévue de la demande. « On prévoit, d’ici 2035, de passer de 200 millions à 300 millions de bouteilles », a-t-il rappelé. Or, d’ici à cette date, les méthodes viticoles auront évolué et de nombreux traitements auront sans doute disparu. « On a conscience que les rendements élevés ne sont pas un objectif durable », a déclaré le président de l’UGVC, qui fixe comme objectif « un niveau de rendement cohérent par rapport à la capacité de nos vignobles », entre 11,5 et 12,5 hl AP/ha.
La crainte d’une perte de marchés
Mais les belles perspectives de la filière cognac dépendront sans doute de la résolution du conflit commercial américano-européen, qui a abouti fin décembre à l’annonce de nouvelles taxes concernant les spiritueux par le président sortant Donald Trump. « On est pris en otage d’un conflit qui ne concerne absolument pas la viticulture », a dénoncé Anthony Brun, en rappelant que c’est l’Europe qui a été la première à taxer les spiritueux américains. « Aujourd’hui, ce qu’on demande, ce n’est pas une compensation de la taxe ! On veut être purement et simplement sortis d’un conflit qui ne nous concerne pas. »
Daniel Laurent a tenu à assurer les viticulteurs du soutien des parlementaires français. « On est presque tous solidaires au Sénat concernant cette taxe. On a interpellé les ministres, on a eu presque les mêmes réponses de Bruno Le Maire (le ministre de l’Économie) et Julien Denormandie (Agriculture). Ce serait idiot de la part de l’État de laisser tomber un grand pôle comme le nôtre. » Le gouvernement a évoqué des aides de l’Union européenne, ce que balaie le sénateur : « L’UE nous a aidés sur le stockage, sur la distillation d’urgence, mais elle ne nous aidera pas sur ce terrain-là. »
Pour sa collègue Corinne Imbert, « ça va dépendre des premiers échanges diplomatiques avec le nouveau président des États-Unis ». « Il faut profiter de l’arrivée de Joe Biden pour trouver un compromis », a également insisté Daniel Laurent. « On sent qu’il y a quand même une différence avec Trump, donc on espère… Il faut absolument intervenir, faute de quoi les viticulteurs français vont perdre leurs marchés à cause des surcoûts. » Ce qui serait dangereux pour la filière car, comme l’a rappellé Nicolas Baudry, « les volumes de cognac qui partent aux États-Unis, c’est 55 %, c’est énorme. »