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AOP Beurre Charentes-Poitou : un nouveau cahier des charges en approche

Validé fin 2019, le nouveau cahier des charges du beurre AOP Charentes-Poitou risque de faire encore beaucoup parler de lui d’ici à son entrée en vigueur prévue pour 2021-2022. Les contraintes pour l’alimentation des troupeaux et la définition d’une plus-value au litre de lait font partie des défis qu’il faudra relever.

Ce nouveau cahier des charges, « on y croit », assurent Laurent Chupin et Joseph Giraud. Le 
Syndicat des laiteries travaille depuis plus de dix ans sur les nouvelles règles de production du beurre AOP Charentes-Poitou.
Ce nouveau cahier des charges, « on y croit », assurent Laurent Chupin et Joseph Giraud. Le
Syndicat des laiteries travaille depuis plus de dix ans sur les nouvelles règles de production du beurre AOP Charentes-Poitou.
© AC

Voilà quarante ans que le beurre Charentes-Poitou affiche fièrement son appellation d’origine contrôlée (AOC) puis protégée (AOP, depuis 1996). « Les élus ont voulu faire reconnaître notre beurre très tôt », explique Joseph Giraud, directeur du Syndicat des laiteries. L’organisme est chargé de la valorisation et de la promotion de ce produit phare de la filière laitière régionale. Depuis plus de dix ans, il travaille sur un dossier capital : la définition de nouvelles règles pour la production du beurre AOP. Le résultat a été validé en novembre dernier par l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité), et devrait être approuvé par l’Europe d’ici deux ans pour une entrée en vigueur dans la foulée.
Le cahier des charges actuel, appliqué depuis 1979, est « relativement simple », rappelle Joseph Giraud. Les contraintes portent essentiellement sur les transformateurs, notamment la maturation biologique imposée de douze heures minimum, au lieu d’une heure pour de nombreux beurres classiques. Pour les éleveurs, la seule contrainte était d’ordre géographique, avec une zone de collecte comprenant les cinq départements de l’AOP (Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vendée et Vienne) et des communes limitrophes.
Si l’évolution du cahier des charges était déjà envisagée, c’est une demande de l’Inao qui a lancé le chantier de révision dès 2008. Le travail, coordonné par le Syndicat des laiteries, a impliqué techniciens, coopératives laitières, mais aussi des éleveurs. En tout, une soixantaine de versions ont été rédigées. « Il a fallu donner des éléments pour définir la pratique », éclaire Joseph Giraud. Des éléments sur la conduite du troupeau laitier, les conditions d’élevage et surtout l’alimentation qui lui est procurée ont ainsi été introduits. L’objectif est d’accroître la reconnaissance du produit. « Notre AOP répond à des valeurs modernes, à des attentes qui renaissent : la proximité, les circuits courts. » Des critères qui pourraient aussi être un argument, paradoxalement, pour les circuits internationaux. Ils alimenteraient en effet la communication auprès des acheteurs étrangers pour renforcer l’export, qui représente déjà 10 % des ventes.

Des contraintes lourdes pour 40 % des éleveurs

Les intentions sont louables, mais la traduction de ces objectifs sur le terrain est loin d’être simple. « Pour l’alimentation, c’est une vraie usine à gaz », s’agace Jean-Marc Martin, éleveur laitier avec 120 vaches à la traite du Gaec Les Vergnes Cléréennes à Crazannes. « On se demande comment des éleveurs peuvent valider un cahier des charges pareil ! » Pour Jean-Noël Merceron, responsable Ruminants chez le spécialiste en nutrition animale Arrivé-Bellanné de Nueil-les-Aubiers (79), « il y a un véritable challenge à relever, un changement de système à opérer dans l’alimentation des troupeaux ». Deux mesures cristallisent les inquiétudes des exploitants laitiers : la limitation des concentrés à 1,8 tonne de matière sèche/vache/an et l’obligation de nourrir les laitières avec du maïs, pour au moins la moitié de la ration quotidienne. L’ensemble devant être exclusivement sans OGM, sans urée ni huile de palme, et provenir au kilomètre près (au moins pour 80 % de l’alimentation) du périmètre de l’AOP. Pour Élodie Dubut, éleveuse au Gaec de l’Or Blanc avec 70 vaches laitières à St-Georges-des-Coteaux, ce volet maïs est aberrant. « On marche sur la tête, c’est à contre-courant des conseils techniques qu’on nous donne face au réchauffement climatique. Le maïs coûte cher à l’implantation et demande beaucoup d’eau. À certaines périodes de l’année, c’est juste », lâche celle qui tente d’en produire sur 30 ha irrigables mais cherche à diversifier son assolement, avec du sorgho BMR par exemple. L’exigence pourrait aussi mettre en difficulté les exploitations pratiquant le pâturage en été, situées notamment dans le nord du bassin laitier, même si, théoriquement, le cahier des charges tolèrerait de descendre à 1,5 kg de maïs dans la ration lors des périodes de pâturage.
La question du maïs a fait débat, reconnaît Laurent Chupin, directeur de service en charge de la ressource laitière au Syndicat des laiteries. « Ce n’est pas l’élément qui a été le plus facile à défendre auprès de l’INAO. Mais si on enlève ce maïs, on enlève les spécificités qui font notre beurre. » L’ensilage influence en effet le goût et la texture du beurre, et surtout permet d’avoir un produit constant sur l’année, ce qui est apprécié des professionnels de la boulangerie-pâtisserie… Lesquels achètent les trois-quarts du volume produit.
Toutefois, selon Blaise Bernier, technicien laitier au Saperfel (conseil élevage), près de 10 % des éleveurs du bassin Charentes-Poitou pourraient voir dans le maïs une raison de ne pas entrer dans la nouvelle version de l’AOP. Et 30 % de plus pourraient avoir à changer leurs pratiques, leurs fournisseurs, et/ou leur matériel pour respecter le plafonnement des concentrés et la sortie des OGM. Selon les types d’exploitations, les surcoûts pourraient représenter 8 à 24€/1000l évalue-t-on chez Arrivé-Bellanné.

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