Bovins lait : bonnes perspectives de marché pour améliorer la marge
Ce dossier lait retrace des stratégies d'entreprise différentes, des situations économiques et humaines parfois bien éloignées... Dans quel contexte les producteurs évoluent-ils aujourd'hui ?
depuis le mois de mars. Ce contexte favorise un équilibre
du marché à l'international.
La segmentation du marché laitier au niveau de la production est en route. Les laiteries vont devoir faire leurs choix et les producteurs également lorsque l'opportunité de changer de laiterie se présente. Enjeu de la segmentation ? Une meilleure valorisation du produit. Des mots déjà entendus... et pas toujours perçus en monnaie sonnante et trébuchante pour les producteurs.
Il faut notamment être attentif aux cahiers des charges qui, différenciation oblige, peuvent devenir très rapidement contraignants pour les exploitations. Certaines entreprises voient le positionnement de la segmentation de manière hiérarchique (voir illustration numéro 1).
Aller au-delà de l'exigence européenne
L'essor des laits différenciés conventionnels (sans OGM, lait de pâturage...) met aussi la pression sur le bio. La crainte d'une crise de confiance du consommateur est latente. Certains acteurs tentent donc de se démarquer pour défendre la valorisation d'un cahier des charges ambitieux et des modèles d'élevages français qui ont des pratiques allant au-delà des exigences de l'eurofeuille, le label européen. Les labels privés comme Demeter, Bio cohérence ou Nature et progrès se sont encore peu développés. D'autres initiatives émergent ici et là. Elles promettent d'être locales, plus équitables avec les éleveurs, d'aller plus loin en matière de bien-être animal, de pâturage, de fourrages produits sur l'exploitation, de biodiversité... à l'image d'Ensemble solidaires (marque de Biocoop), d'Invitation à la ferme, de C'est qui le patron?!, ou encore de Faire Bien, le nouveau yaourt normand bio et solidaire des Prés rient bio, une filiale de Danone.
Faire Bien reverse 5 % du chiffre d'affaires de ce yaourt pour financer sept jours de remplacement annuel pour les 40 éleveurs normands livrant Les prés rient bio. À Maulévrier (49), la laiterie Gaborit développe des produits haut de gamme issus de lait de Jersiaises exclusivement. L'ensilage y est interdit et à terme, seul du foin bio en fourrage grossier sera autorisé. Ces marques sont l'exemple type d'un mouvement qui pourrait prendre de l'ampleur : la segmentation du bio.
Collecte de lait bio : une hausse anticipée
Dans le bio, le nombre de producteurs continue d'augmenter suite au fort taux de conversion de 2016 et 2017. Les producteurs sont 1,5 fois plus nombreux au niveau national qu'il y a deux ans. Au total, 3 600 fermes ont passé le cap, dont 27 en Deux-Sèvres. La collecte de lait reste sur une tendance haussière, même si le rythme semble se ralentir (voir illustration numéro 2).
Toutes les fabrications de lait bio sont en augmentation, avec une hausse de la consommation des ménages sur tous les produits (lait de consommation, beurre, crème, yaourt, fromage...)
Cependant, la hausse de production va plus vite que la hausse de la consommation. Cela a été anticipé, notamment par Biolait, le principal collecteur de lait bio au niveau national (plus de 30 % de la collecte). Le dispositif de gestion des volumes de Biolait a donc été activé. Les exploitations qui livrent depuis plus de deux ans doivent produire 5 % de moins que la moyenne des trois dernières années, hors très mauvaise année. S'il y a un dépassement de ce volume annuel ajusté, il sera payé moitié moins que le prix bio.
Cependant, comme le problème d'excédent ne porte que sur le printemps et l'été, le risque est de manquer de lait en automne-hiver. Donc, une prime au lait non-produit sur le printemps a été mise en place. Les exploitants qui, sur le deuxième trimestre, livrent 10 % en dessous de leurs trois meilleures années recevront 150 EUR/1 000 l sur les litrages non-réalisés.
Maintien du prix du lait
Biolait collecte 237 millions de litres auprès de 1 340 adhérents. Le prix de base 2018 était de 436 EUR quand le prix payé 2018 s'élevait à 450 €/1 000 l. Les éleveurs sont donc aiguillés vers une réduction de production pour ne pas déséquilibrer le marché en 2019, le temps de trouver de nouveaux débouchés.
En conventionnel, jusqu'en février 2019, le recul de la collecte a favorisé le maintien du prix du lait à 333 €/1 000 l en prix de base standard (32-38), et 359,50 €/1 000 l prix payé, toutes primes confondues, en moyenne sur janvier-février (source FranceAgriMer). La collecte a retrouvé son niveau de 2018 depuis mars, malgré un repli en semaine 15. Le recul de la collecte a aussi affecté les principaux exportateurs comme la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Argentine suite à une forte sécheresse. Ce contexte favorise un équilibre de marché à l'international, et notamment sur la poudre de lait. Reste les incertitudes liées au Brexit.
Les prix à la consommation sont stabilisés, voire en légère hausse, sauf pour le beurre, qui voit son prix grimper de 13 % en mars 2019 par rapport à mars 2018.
Des marges qui se réduisent
Malgré ce contexte favorable des marchés en aval de la production, les éleveurs voient leurs marges se dégrader. La hausse des charges, et principalement le poste alimentation des animaux, est le principal acteur de cette érosion. L'observation des indices montre une augmentation de 9,3 % sur deux ans des tarifs des aliments achetés. La moyenne de la marge des éleveurs sur coût total se dégrade et se retrouve en dessous de la moyenne 2007-2017 (voir illustration 3). Pour certains, les trésoreries ont donc du mal à s'assainir après la crise.
Le prix du lait payé reste un facteur déterminant de cette marge. Pour faire face à cette double volatilité (prix du lait et prix des intrants), l'autonomie alimentaire reste un levier essentiel à actionner pour les éleveurs. Si la production de fourrage de qualité ou de pâture est problématique sur l'exploitation, la stratégie de contractualisation d'achats de fourrages est une bonne option. La vigilance sur les coûts de mécanisation est indispensable. Ces derniers expliquent les différences de revenus à la même hauteur que la surconsommation de concentrés aujourd'hui. Les investissements doivent être rentables.