Consensus syndical autour de la nécessaire participation au vote
Agri 79 s’est associé aux radios locales, D4B, Radio Gâtine et Collines la radio, pour organiser un débat entre les trois têtes de listes candidates dans le collège des exploitants aux élections à la chambre d’agriculture.
Chacune de vos listes veut œuvrer pour le revenu des agriculteurs. Comment faire ?
Benoît Jaunet : À la Confédération paysanne, notre grand slogan est de produire pour vivre. On place l’intérêt du revenu d’abord. La société nous a délégué la responsabilité de la nourrir. C’est un travail. Ce travail doit nous permettre de vivre. C’est possible lorsqu’on développe une agriculture paysanne dans laquelle nous sommes autonomes dans nos décisions. Chacun doit pouvoir faire ses propres choix et ne pas être influencé par ce qui peut se passer autour. Nous devons avoir la liberté de choisir nos systèmes et donc, par ce biais, choisir de développer des systèmes économes. Ce qui fait notre revenu, c’est la valeur ajoutée. C’est la différence entre ce que l’on dépense et ce que l’on produit. Dans un environnement économique contraint, serrer sur les charges, en plus de chercher la valeur ajoutée, est un moyen de faire du revenu.
Alain Chabauty : Le revenu est le fil rouge de notre campagne, mais aussi de notre activité depuis toujours. De ce côté, les choses sont très difficiles, particulièrement dans les zones d’élevage - excepté en caprin -, mais également de plus en plus céréalières. Sans revenu, on a moins d’agriculteurs et donc une économie rurale qui s’en ressent. L’optimisation des charges - ce qui ne veut pas dire obligatoirement une baisse - est pour nous une solution. Il faut trouver le meilleur rapport possible entre la production et les charges engagées.
Philippe Germond : Le revenu est à la base de tout. Depuis deux à trois ans, toutes les productions sont en baisse. Le système mondialisé est un problème. Pour s’en sortir, le marché européen, qui est porteur, solvable, doit permettre la fixation d’un prix qui valorise le travail des agriculteurs. Un prix différent du marché mondial. L’augmentation de quelques centimes de la farine de blé aura peu d’incidence pour le consommateur qui achètera son pain et permettra aux céréaliers de vivre.
La valeur ajoutée semble être une composante essentielle pour faire du revenu. Est-ce l’apanage des filières courtes ?
A. Chabauty : Je ne pense pas. Les circuits courts sont intéressants. Ils apportent une plus-value sur l’exploitation. Mais en Deux-Sèvres, peu d’exploitations sont destinées à la seule vente directe. Beaucoup font de la production de masse, ce qui ne veut pas dire uniquement standard. Nous produisons sur des niches de qualité. La Parthenaise est un exemple. Ces niches existent aussi sur les marchés à l’export. J’exporte moi-même de la volaille, sur des marchés particuliers qui offrent une rentabilité intéressante. Il faut se positionner.
Sur le marché national, la montée en gamme sera un atout dans les filières longues. Si les agriculteurs disent que leur qualité est tout à fait correcte, et c’est sans équivoque sur le plan sanitaire, il sera probablement nécessaire d’aller encore plus loin parce que c’est le souhait de la société et de l’État.
B. Jaunet : La massification de la production pour l’export fait souvent que la valeur, s’il y en a, ne génère pas de revenu pour les paysans mais pour l’industrie agroalimentaire. On n’est pas d’accord avec ça. On pense qu’il faut soutenir les petites productions qui créent de la valeur ajoutée. Les filières longues qui permettent de dégager du revenu pour les agriculteurs - il y en a -, doivent être développées. Nous croyons en celles-ci. Mais faire croire que c’est en augmentant la production par les filières longues que l’on va augmenter le revenu est faux. On voit le résultat au bout de 50 ans. Aujourd’hui, on est de moins en moins d’agriculteurs à produire de plus en plus de produits et le revenu n’a fait que baisser, au mieux se maintenir. Ce n’est pas normal.
P. Germond : On ne pourra pas faire que de la vente directe. On produit plus que les consommateurs du département ne peuvent consommer. En céréales, notre région produit de la très haute qualité. Il y a des marchés à l’export, il faut les prendre. Notre problème vient peut-être de la taille de nos coopératives. Aujourd’hui, on n’arrive plus à les gérer.
La disparition de la zone défavorisée simple (ZDS), et donc des 8 millions d’euros qu’elle permettait de ramener en Deux-Sèvres, risque-elle de faire baisser la richesse produite sur le territoire ?
B. Jaunet : Je ne pense pas. Nous devons accompagner les agriculteurs de ces zones pour que les fermes deviennent résilientes. Par malheur, sur ma ferme, je n’ai pas bénéficié de l’ICHN. Par contre, j’ai la même qualité de terre que l’Argentonnais, qui était classé ZDS. Je me suis installé hors cadre familial, il y a dix ans, en production viande bovine, sans création de hors-sol, et pourtant j’ai recréé de l’emploi sur ma ferme. Je considère que l’on peut faire une autre agriculture. On a les capacités de faire autrement. En revanche, il faut accompagner les agriculteurs parce que l’arrêt est trop rapide.
A. Chabauty : Le temps où l’ICHN sera à zéro va vite arriver. Dès 2020, on y sera presque. Il faut m’expliquer comment, sur certains Gaec, on fera avec 16 000 € en moins. Effectivement, il faut se remettre en question. La chambre d’agriculture a mobilisé l’ensemble du syndicalisme pour que naissent des propositions, des solutions. On a des pistes. Aujourd’hui, on attend le feu vert du ministère de l’agriculture pour retrouver de la plus-value sur le département.
P. Germond : Combien de milliers d’euros devra-t-on investir pour retrouver le revenu que l’on vient de perdre avec la fin des ZDS ? Je suis inquiet. Certains pensent augmenter la production. On va produire plus, oui, mais va-t-on gagner plus ? Je n’en suis pas sûr.
La loi Egalim a été votée le 2 octobre dernier. Que peut en attendre l’agriculture du département ?
A. Chabauty : Il faut rappeler que le marché des GMS et de la restauration hors domicile représente 70 % de nos productions. Chez JA et à la Fnsea, depuis toujours, nous pensons qu’il faut être attentif à la valorisation des produits à travers ces deux marchés. Nous avons défendu un bon rapport entre le prix de vente et les coûts de production dans les exploitations. Depuis le 1er janvier, des accords ont été signés avec la GMS. J’attends de voir les résultats mais, sur une partie des produits laitiers, les engagements portent sur des prix à plus de 370 € les 1 000 litres. En viande bovine, l’opération Éleveur et Engagé va dans ce sens. En céréales, nous travaillons aussi à la création de niches valorisantes. Le prix promotion ne peut être le prix de référence pour le consommateur.
P. Germond : Nous espérons voir les effets de cette loi sur le revenu des producteurs. Depuis deux ou trois ans, il ne se passe rien. Ils font beaucoup de communication autour de cette loi, mais il faudra encore attendre avant de voir le moindre effet, s’il y en a un. On ne peut pas être contre le principe, mais dès que la grande distribution pourra se faire du revenu sur notre dos, elle ne nous loupera pas.
B. Jaunet : On est plutôt d’accord sur le principe à la Confédération paysanne. Les premières avancées sont significatives. Mais nous sommes sceptiques et déçus que l’interdiction de la vente à perte ne commence pas dans nos fermes. Les prix doivent intégrer nos vrais coûts de production. Y compris le service de remplacement, pour ne pas être 7 jours sur 7 sous la contrainte. Malheureusement, la définition du coût de production a été transférée aux interprofessions dans lesquelles le pluralisme syndical n’est pas toujours d’actualité. On attend aussi avec impatience l’ordonnance sur la gouvernance des coopératives que l’on n’arrive plus à maîtriser. En pleine crise laitière, le groupe laitier Besnier ne perd pas d’argent, la coopérative Sodiaal non plus. Il y a un problème quelque part.
La loi Egalim, c’est également des engagements sur les attentes sociétales, notamment en matière d’utilisation des produits phytosanitaires.
A. Chabauty : Le plan éco-antibio portait sur un engagement de réduction de 25 % sur 5 ans. Les agriculteurs et les vétérinaires ont pris la mesure du risque. La diminution a été finalement de 36,6 %. Le travail continue. On travaille sur la prévention. Les agriculteurs réfléchissent beaucoup pour deux raisons : satisfaire les attentes de la société, mais également pour des questions de coûts.
B. Jaunet : Nous devons répondre aux attentes de la société, pas à celles de la filière. En ça, la loi Egalim va dans le bon sens. Il faut travailler la qualité des produits. Sur éco-antibio, on l’a entendu, des avancées ont été enregistrées. En revanche, sur éco-phyto, les fermes de références ont diminué l’utilisation des pesticides alors que l’agriculture française l’a augmentée depuis dix ans. Ça veut dire qu’il existe des gens qui savent comment accompagner les paysans dans la baisse de l’utilisation des produits. Il y a des solutions alternatives. Il faut maintenant changer d’échelle. Il faut trouver les moyens de partager ces pratiques avec les voisins pour les développer. Les collectifs d’agriculteurs ont ce rôle.
P. Germond : Je fais partie d’un groupe de céréaliers à la chambre d’agriculture. Le partage d’expériences est formateur. Les groupes de formations doivent nous permettre de suivre les attentes de la société.
La loi Egalim prévoit également la déconnexion du conseil et de la vente des produits phytosanitaires. Qu’en pensez-vous ?
P. Germond : D’accord si ça n’amène pas les agriculteurs à payer un conseil en plus. C’est le risque si l’agriculteur n’est pas bien formé.
B. Jaunet : Je suis d’accord. J’ai toujours été surpris que ce soit la même personne qui nous dise quel est notre souci et qui déjà, dans sa voiture, a le bidon remède. Je pense que c’est le rôle de la chambre d’agriculture d’emmener un conseil neutre et non partisan. L’indépendance est importante et c’est par ce biais que les agriculteurs seront bien formés et donc autonomes dans leurs décisions.
A. Chabauty : Je suis heureux d’entendre parler d’indépendance de la chambre d’agriculture. Les agents le sont. Leur conseil est pertinent. Ils nous amènent à être dans l’économie : l’économie de produits bien sûr, et, d’un autre côté, l’économie des exploitations.
Comment pensez-vous maintenir un tissu agricole dense alors que 50 % des agriculteurs ont plus de 50 ans ?
P. Germond : Le maintien sera difficile. Il faut espérer que les prix, et donc la rémunération, s’améliorent. Quand il y a du revenu, on attire toujours du monde. On est en Deux-Sèvres parmi les départements qui maintiennent le mieux leurs installations malgré tout. Heureusement que l’agriculture est plurielle.
B. Jaunet : Plus de monde en agriculture est notre combat. La chambre devrait continuer à développer, même améliorer, l’accompagnement des installations qui correspondent aux attentes de la société, même si elles ne sont pas en phase avec les attentes des filières. On a l’impression que les projets alternatifs à la massification ne sont pas toujours correctement aidés, accompagnés. Si l’on veut des campagnes vivantes, il faut que ceux qui sont en place aient les moyens de vivre de leur métier sans attendre la retraite pour solder le capital.
Par ailleurs, un travail sur le foncier doit être conduit. Un certain nombre de petits porteurs de projet n’y a pas accès.
Pour augmenter le nombre des installations, il faut continuer, au niveau national, à défendre les aides à la bio et le versement des aides dès 10 UGB. La Fnsea et la FNB ne partagent pas.
A. Chabauty : On a toujours prôné l’ouverture sur les projets d’installation dans le département. Je considère qu’il faut accompagner tout type d’installation, ne pas opposer les modèles. L’installation est d’abord un projet personnel dont il faut accompagner la mise en place.
La question de l’accès au foncier est bien entendu essentielle. En CDOA, on a toujours défendu la bonne répartition du foncier. C’est difficile. Il y a des montages sociétaires, autorisés par la loi, qui permettent de contourner les règles de la CDOA. On essaie d’agir auprès du législateur depuis 5 à 7 ans. On n’y arrive pas.
Petits ou gros, les projets doivent être défendus. On a toujours essayé d’avoir une agriculture plurielle dans ce département qui est sur le podium des installations en France. C’est déjà beaucoup, même si ce n’est pas assez. La dynamique est aussi une question de revenu, de garanties apportées aux agriculteurs sur les marges, d’attractivité de l’agriculture.
Si vous obtenez la majorité aux élections, quelle sera votre priorité ?
B. Jaunet : Changer l’orientation de l’agriculture. Ces élections ne concernent pas que la gestion de la chambre d’agriculture. Il est aussi question de représentativité. Les remporter permettra aussi de faire entendre à tous les échelons, de l’État aux structures professionnelles, notre vision de l’agriculture. Une agriculture paysanne pour des campagnes vivantes. Il faut aujourd’hui mettre la même énergie que celle développée dans les années 60 pour changer d’agriculture. Les choix effectués, à cette époque le monde paysan est allé dans le même sens. Le modèle agricole a évolué très vite. Aujourd’hui, on est au bout d’un système. Il faut changer d’orientation, de cap, pour une agriculture d’avenir qui passe par une agriculture paysanne où chacun se réapproprie son autonomie. La chambre d’agriculture doit être là pour développer l’autonomie de chaque paysan par le conseil, non pas par des recettes toutes faites, par l’accompagnement juridique, par la formation. Il faudra également travailler au déplafonnement de l’aide aux 52 premiers hectares, un levier pour faire face à la disparition de l’ICHN.
A. Chabauty : C’est insulter les agriculteurs que de penser qu’ils ne sont pas maîtres de leurs décisions. Ils se comportent en chef d’entreprise. C’est bien l’objectif que nous défendons. La chambre d’agriculture les accompagne dans le développement de leurs capacités à prendre leurs propres décisions. Ce n’est pas trop mal réussi, même si dernièrement, il y a des problèmes de revenu qui sont le résultat des fluctuations. J’espère que la loi sur les états généraux portera ses fruits. L’agriculture du département doit passer un cap. Il faut développer des projets. Pour ça, il ne faut pas pratiquer l’agribashing, et je regrette que la Confédération paysanne soit souvent sur ce registre. C’est dommage. Les exploitations collectives, souvent des Gaec, qui portent des projets, sont d’une dimension un peu plus grande que la moyenne mais il n’empêche qu’elles sont une formule intéressante pour s’installer.
Apporter du conseil, trouver des niches, sont également parmi les missions de la chambre d’agriculture : ce qu’elle fait avec indépendance et objectivité.
L’enjeu de ces élections, c’est aussi la mobilisation. Effectivement, ce scrutin est aussi une question de représentativité. Quel que soit le syndicat majoritaire demain, sa crédibilité sera fonction de la participation.
P. Germond : Notre priorité sera d’éviter le déficit de la chambre d’agriculture. Les moyens seront fléchés pour protéger les agriculteurs du département, les aider au maximum. Trop d’agriculteurs de 50 ans ont envie d’arrêter.
La formation est un volet important. Elle doit permettre aux agriculteurs d’augmenter leurs compétences pour aller chercher du revenu. La recherche de niches, comme ça a déjà été dit, est nécessaire. Il faut également que le gouvernement nous donne une visibilité à 5 à 6 ans.