"Ce jugement est contraire au bon principe de gestion de l'eau"
Le 21 octobre, le tribunal administratif (TA) de Poitiers a rejeté les tierces oppositions, portées par près de 830 professionnels du monde agricole. Ces procédures visaient à revenir sur le jugement du 9 juillet, qui réduit de 40 à 60 % les prélèvements d'eau agricole dans le Marais Poitevin. Etat des lieux de la situation.
Le 21 octobre, le tribunal administratif (TA) de Poitiers a rejeté les tierces oppositions, portées par près de 830 professionnels du monde agricole. Ces procédures visaient à revenir sur le jugement du 9 juillet, qui réduit de 40 à 60 % les prélèvements d'eau agricole dans le Marais Poitevin. Etat des lieux de la situation.
Le jugement tombé début juillet a demandé une application immédiate : depuis l'été, l'EPMP compose avec l'annulation de l'autorisation unique de prélever (AUP) de 2021 sur les bassins du Marais Poitevin.
Conformément aux demandes de la justice, le plan annuel de répartition (PAR) des eaux a commencé a être recalculé, avec des volumes en baisse de 40% à 60 % selon les secteurs.
Le PAR estival a été signé par les quatre préfets concernés (départements 85-17-79-86) le 25 octobre, et celui propre aux volumes hivernaux est en cours.
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"Jugement ubuesque"
830 agriculteurs et membres d'organismes agricoles ont demandé à rejuger l'affaire, mais leur voix n'a pas été prise en compte, la justice estimant que la présence de l'EPMP à l'audience du 21 octobre suffisait à les représenter.
Conseiller à l'OUGC (service de la chambre d'agriculture qui gère les demandes d'irrigation pour le compte de l'EPMP), Valentin Pommier fait état d'une situation tout sauf simple : "Depuis 10 ans, nous avancions vers les objectifs de réduction des volumes par la médiation, une dynamique de co-construction. Elle est mise à mal par le jugement de Poitiers".
Les demandes de volumes, faites par chaque irrigant, vont arriver dans son service de novembre à décembre, et il faudra les traiter avec la nouvelle donne d'une réduction des volumes trop forte et trop rapide.
L'Etat fait appel
Les défenseurs d'un projet collectif de gestion de l'eau ne comptent pas en rester là. Une requête de sursis à exécution a été déposée par l'Etat (la chambre d'agriculture s'y est associée) pour suspendre le jugement : une action en justice choisie pour la rapidité de son instruction.
Surtout, l'Etat a fait appel, pour que le dossier soit étudié par la Cour de Bordeaux.
Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau 79, est confiant sur les suites juridiques, tant il estime le jugement du 9 juillet absurde : "La décision est contraire au bon principe de gestion de l'eau. Elle ne se base ni sur la science ni sur la gestion collective, mais seulement sur les historiques de prélèvements antérieurs à 2020. Les prélèvements liés aux ouvrages de stockage réalisés après cette date ne sont pas pris en compte. Mathématiquement, le jugement attribue donc moins d'eau aux zones qui ont fait le plus d'efforts".
Les prélèvements liés aux ouvrages de stockage réalisés après cette date ne sont pas pris en compte. Mathématiquement, le jugement attribue donc moins d'eau aux zones qui ont fait le plus d'efforts.
Le prix de l'eau au centre du débat
Quant aux polémiques sur un prix de l'eau d'irrigation trop cher et impayable par les concernés, le président de la Coop de l'eau 79 remet l'église au centre du village : "Nous sommes une coopérative comme les autres, notre fil conducteur est la maîtrise des coûts. Nous prenons l'un après l'autre les défis qui se présentent (inflation, guerre en Ukraine, sécurisation des sites des réserves d'eau, année météo catastrophique) et les traitons en évitant un maximum les surcoûts. Par ailleurs nous proposons des échelonnements à nos adhérents. Pour le reste, ils se conforment au réglement intérieur de l'EPMP, ratifié lors du protocole d'accord de 2018".
Et de poursuivre sur l'importance de ce débat : "L'eau des agriculteurs ne doit pas être gratuite ni répondre à une logique libérale où chacun se débrouille comme il peut. La solution est un entre-deux, collectif et cofinancé. Nous travaillons toujours à améliorer le portage de notre projet via l'implication de collectivités".
Or le débat dérive, exprime-t-il, dans la danse menée par les opposants aux réserves : "On est face à des personnes qui clament que les irrigants ne peuvent plus payer et s'en réjouissent. Et qui s'enorgueillissent d'être à l'origine des surcoûts liés à la protection policière des sites des retenues d'eau".
L'eau des agriculteurs ne doit pas être gratuite ni répondre à une logique libérale où chacun se débrouille comme il peut. La solution est un entre-deux, collectif et cofinancé.
Quatre réserves prêtes pour 2025
En attendant les prochaines échéances judiciaires, les irrigants feront avec les nouveaux volumes, plus ou moins impactés selon les projets de stockage de leurs sous-bassins.
En Vendée, les réserves de substitution ont commencé leur remplissage il y a près de 10 jours. Le go a été donné en Deux-Sèvres, pour les quatre réserves terminées à ce jour : Mauzé, Epannes, Priaires et Sainte-Soline.