Commerce
Des associés au champ et au moulin
Trois céréaliers viennent d’investir dans une boulangerie, à Niort. En associant leur savoir-faire à celui de leur associé boulanger, ils souhaitent redonner au blé de la valeur et au pain de la saveur.
Comme de nombreux céréaliers du Poitou-Charentes, Fabrice Guibert, Fabrice Briand et François Cornuau ont récolté cette année du blé Apache, Premio et Caphorn. Avec les variétés Aubusson et Galibier, les trois producteurs se sont singularisés pour répondre à la demande précise de Christian Bonneau, client boulanger des trois exploitations. Ce dernier, gérant de Ma’Mie Crock, boulangerie ouverte cet été dans la zone commerciale Mendès-France à Niort (*), est exigeant. Ce professionnel s’impose les contraintes d’une fabrication artisanale du pain. « Je veux travailler un produit propre », précise-t-il. L’artisan ne tolère ni additif, ni conservateur, ni colorant dans la farine qu’il utilise. L’équilibre de « sa maquette » (NDLR : sa farine), se fait par l’association de différentes variétés de blé. La formule est définie après une analyse très poussée de la composition des récoltes de ses clients agriculteurs, par ailleurs ses associés (à titre individuel) dans l’affaire qu’est la boulangerie. « Notre production est livrée à la minoterie coopérative de Courçon. La farine y est fabriquée à façon selon les besoins exprimés par Christian », présentent les entrepreneurs. Sur les six mois d’ouverture de 2009, environ 500 quintaux de blé ont été valorisés 150 euros le quintal. L’objectif annuel est fixé à 1200 q. « Cette filière, à elle seule, ne fera pas tourner nos exploitations, reconnaissent les investisseurs pourtant satisfaits de l’initiative. La valeur ajoutée captée est un plus pour nos structures. Mais surtout, ce travail en direct avec le boulanger redonne à notre métier toutes ses lettres de noblesses. »
En 2004-2005, lors d’une formation baptisée « décideur économique », les deux Fabrice ainsi que François se retrouvent dans un groupe de six agriculteurs. Pendant leur parcours universitaire, ils doivent mener à bien un projet économique. « Nous nous sommes mis d’accord sur l’idée de créer une filière courte. Nous avions deux ambitions : récupérer les marges qui nous échappent dans la distribution conventionnelle et valoriser l’image de notre métier en rapprochant producteur et consommateur. »
Ouverture en juin 2009
La vente directe du blé entre l’agriculteur et le boulanger sera le principe retenu par les étudiants. Très vite le concept de la boulangerie à la ferme est abandonné. « Nous avions le blé. Nous avons cherché un moulin qui pouvait nous le transformer en farine. Dès les premiers contacts, nous avons pris conscience que, tout comme produire du blé, fabriquer du pain était un métier. »
Une fois le projet d’une boulangerie implantée en zone commerciale soutenu lors des examens de fin d’études, les agriculteurs ont regagné leur ferme avec en poche leur diplôme universitaire. Relancés quelque temps plus tard par le projet du magasin Plaisirs fermiers, trois des six diplômés osent croire en l’avenir de leur projet d’études. En juin 2009, après s’être associés les compétences de Christian Bonneau, ils ouvrent la boulangerie snacking Ma’Mie Crock. Convaincus de l’avenir de cette association hors du commun des savoir-faire de l’agriculteur et du boulanger, les quatre partenaires investissent ensemble 800 000 euros. Dix salariés sont à l’œuvre au quotidien. Dans le labo de la boulangerie, la farine issue de l’étroite collaboration entre paysan et artisan est placée entre les mains expertes des ouvriers qualifiés… les faiseurs de saveur.
(*) À côté du magasin Plaisirs fermiers.