Porcs
Des élevages de porcs en quête de perspectives
Lors de la 10e journée régionale porc à Loudéac (Côtes-d’Armor), professionnels, élus, experts techniques et économiques ont partagé leurs points de vue sur l'avenir de la production.
La France a fait le choix, en 1969, du modèle naisseur-engraisseur, devenu une référence sur le territoire, et particulièrement en Bretagne. Pourquoi ce modèle n'est-il pas aussi développé dans le Nord de l'Europe ? « Du fait de contraintes environnementales, d'un manque de terres, d'une bonne maîtrise technique du naissage, et d'un faible prix du porc, le Danemark et les Pays-Bas se sont davantage orientés vers le naissage », explique Christine Roguet, de l'Ifip-Institut du porc. « Ils comblent aujourd'hui le déficit allemand de 9 millions de porcelets, pays où du foncier est disponible, les outils d'abattage performants, et le prix du porc charcutier attractif. » Le modèle naisseur-engraisseur français est quant à lui « à l'équilibre à l'échelle nationale, avec seulement 150 000 porcelets importés et 12 000 exportés », estime Christine Roguet. Il présente par ailleurs d'énormes atouts pour l'éleveur, en termes de maîtrise du sanitaire, de garantie d'approvisionnement et de solidité financière.
Ce modèle rencontre cependant des limites. Selon l'experte de l'Ifip, « un porcelet sur six change d'élevage en France », ce qui implique, soit des coûts de façonnage, soit une vente de porcelets peu lucrative dans les zones à forte densité de production.
« Cet excédent en porcelets chez les naisseurs-engraisseurs s'explique par une augmentation progressive de la productivité des truies et par des difficultés à construire des places supplémentaires d'engraissement. » Ainsi,
l'optimisation de l'élevage naisseur-engraisseur passe souvent par l'agrandissement, qu'il soit interne ou externe.
« Nécessaire dans le contexte concurrentiel, la restructuration semble être aujourd'hui limitée par l'aspect réglementaire », souligne Laëtitia Le Moan, du pôle recherche et développement des chambres d'agriculture de Bretagne. « Les éleveurs essaient de retrouver de la cohérence dans leurs élevages mais sont coincés par les contraintes administratives », abonde Paul Auffray, président du pôle recherche et développement des chambres d'agriculture de Bretagne.
Les types d'élevage optimaux
Encore sur le podium en termes de performances zootechniques, la France pourrait donc se faire distancer par des voisins qui se dotent d'outils d'avenir. La filière porcine est pourtant force de propositions : à l'occasion d'une vaste étude réalisée l'an dernier, l'Ifip et ses partenaires ont identifié « trois grands types d'élevage d'avenir, car optimaux dans leur réponse aux contraintes économiques, sociales et réglementaires », exposés par Christine Roguet. « Des élevages naisseur-engraisseur de 250 à 300 truies sur 100 à 200 hectares reposant sur la complémentarité entre les cultures et l'atelier porc, c'est-à-dire avec lien fort au sol, des grandes structures naisseur-engraisseur de 500 à 1000 truies qui permettront des économies d'échelle et seront dotées d'un système de traitement de lisier, ou encore des élevages qui externalisent le naissage dans des maternités collectives. »
Identifiée comme un élevage d'avenir, la maternité collective est un modèle en développement. « Surtout mises en place par des post-sevreurs-engraisseurs dans les années 90 pour sécuriser l'approvisionnement, les maternités collectives connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt auprès des naisseurs-engraisseurs », constate Marie-Laurence Grannec, du pôle Recherche et développement des chambres d'agriculture de Bretagne. Le modèle est notamment avantageux pour des petites structures sans possibilité d'extension, qui augmentent alors les places à l'engrais tout en diminuant la charge de travail. « Les maternités collectives devraient rassembler 8 % des truies du pays si les projets (révélés par une enquête en 2008) se concrétisent », complète Christine Roguet. Ce modèle présente en effet de nombreux avantages : optimisation de la main-d’œuvre, amélioration de la technicité par la spécialisation, amélioration des performances, du sanitaire, des conditions de travail… qui contrebalancent avec le prix de vente du porcelet 8 kg plus élevé, à 39,2 2, que celui de la moyenne naisseurs, à 32,3 2, même dans les structures les plus anciennes où les prix de revient sont les plus faibles à 36,6 2. Marie-Laurence Grannec démontre que « le prix de vente en maternité collective correspond au prix de revient, non au prix de marché. » Malgré tout, « de nombreux éleveurs, estime-t-elle, pourraient être tentés par ce modèle à l'approche de la mise aux normes bien-être ». Sauf à être refroidis par les difficultés administratives.
Travailler l'image
Les maternités collectives sont aussi confrontées à la question de l'acceptabilité sociétale. Comme dans tout projet, « le dialogue est la base de tout », ajoute Jean-Paul Simier, du conseil régional, surtout face à « une démographie croissante en Bretagne et une population de moins en moins agricole. » Dans son ensemble, considère-t-il, « la filière porcine gagnera à mieux travailler son image. » Pour Olivier Allain, président de la chambre d'agriculture 22, « il faut acquérir la reconnaissance sociétale et surtout redonner du sens au métier », notamment par une logique de territoire globale qui puisse « générer plus de revenu et moins de contrôles. Sur des enjeux tels que les pesticides, les nitrates, l'énergie, anticipons plutôt que de toujours subir. »