Développer grâce à la vente directe
Ces viticulteurs ont fait évoluer leur exploitation en hectares, avec des marchés de proximité, mais aussi en concevant un domaine viticole raisonné.
Dans la région délimitée, certains sont affiliés aux maisons de cognac par contrats, d’autres ont depuis des décennies tenté la vente directe. Les flux touristiques sur la côte charentaise s’y prêtent, pour peu que l’on soit sur une voie de passage. À Meursac, Véronique Laprée a fait perdurer ce choix-là, initié par ses parents. « Aujourd’hui, la part vente directe représente 4 ha de notre vignoble, le reste est sous contrats, avec deux clients », assure-t-elle. La conseillère régionale dresse un tableau « loin d’être un long fleuve tranquille » des années passées jusqu’à l’installation récente de son fils Pierre Collado. Ce dernier concède que le « circuit court » nécessite de « guider le client » jusqu’au domaine : « pas évident ». Présents aussi sur les marchés, et dans de nombreux salons dans l’Hexagone, Véronique Laprée, installée depuis 22 ans (1997) et Pierre Collado ont construit de leurs mains un « petit magasin », dégageant ainsi le bureau. « Il nous faut pousser les murs, car nous devons stocker et faire en sorte que les choses soient plus faciles dans le travail. » Mais pas question d’arrêter cette forme de vente, « même en période porteuse pour le cognac ». La valeur ajoutée n’est pourtant pas « flagrante » aujourd’hui, concèdent de concert mère et fils. Stocks, matériels, clients font un tout. « Nous modernisons les gammes, proposons de nouveaux produits », analyse Pierre Collado. « Nous recherchons de nouveaux clients, mais les ventes n’explosent pas pour autant. » Un tiers du chiffre d’affaires du domaine s’ancre dans la vente directe. « Notre apprenti en BTS commerce vins et spiritueux a boosté nos démarches de marketing. »
Être vu
Ces 4 ha sont donc « utilisés » avec des cépages Colombard, Cabernet-Sauvignon et Merlot pour produire 80 hl de vins charentais en trois couleurs et 10 000 bouteilles de pineaux environ. « Il faut avoir une gamme dans laquelle on a aussi des jus de raisin. » Les marchés estivaux permettent ainsi d’en écouler les 2/3. « L’œnotourisme est fondé sur du fléchage. Mais on ne peut le faire sur la 2x2 voies », souligne Pierre Collado. « Nous voudrions compléter le magasin par un lieu de visite avec des matériels anciens. C’est un argument qui attire du monde. » Tout en « autoconstruction », puisque l’amortissement du foncier pèse encore sur l’équilibre de l’entreprise viticole. Dans leur présentation transparaissent les heures passées dans les recherches incessantes de partenaires commerciaux, de modes de vente, les réseaux sociaux, de design et de packaging. « Nous jonglons beaucoup avec le temps, entre le suivi de la production, des élaborations, du marketing et de la commercialisation. » Il faut être partout en même temps, même s’ils prennent goût à faire « du pied de vigne à la bouteille », « à expliquer notre métier ». Au fil des ans, ils ont agrandi le domaine et diversifier. « La vente directe a permis de perdurer dans les périodes de crise. Aujourd’hui, nos entreprises viticoles sont plus fragiles du fait des réglementations et des surcroits de charge. » Véronique Laprée, qui se positionne fortement contre « les plantations effrénées » et un rendement élevé, ne veut pas noircir le tableau : « mieux vaudrait mettre nos vignes actuelles en état de produire ». Pierre Collado ajoute que le renouvellement des « vieilles vignes » devrait être une priorité, mais « il faut pouvoir le faire financièrement. On peut produire plus sans s’agrandir. Nous remettons le vignoble du domaine en état. Nous avons un business plan à cinq-six ans d’entretien de vignes anciennes, par transplantation. Nous voulons remettre les vignes au propre en changeant les petites parcelles, pratiques à travailler. » L’objectif est d’augmenter aussi le rendement. « Chez nous, 12-13, c’est le maximum. Aujourd’hui, les parcelles qui y répondent sont intensifiées… par impératif économique. » Il parle de « fin de vie » des vignes des années 70-80, « trop malmenées depuis. » Après l’agrandissement de Véronique Laprée vient le temps de la consolidation avec Pierre Collado. « Nos conduites culturales ne différent pas depuis 15 ans dans l’agriculture raisonnée. » Cognac et vins charentais du domaine vont rentrer dans la certification HVE niveau 3 et Iso 9001. Pierre Collado, sans ambages, trouve la démarche chronophage et complexe : « des journées entières… Nous aménageons à notre idée en simplifiant. » Étant l’un des pionniers dans cette démarche, il conçoit « d’essuyer les plâtres » mais aimerait être « davantage accompagné ». Soutien qu’il a trouvé dans le syndicat des vins charentais et l’interprofession. Il est content de sa plate-forme de lavage : « elle est très utile et permet d’avancer sur le HVE. Le meilleur des expertises reste l’audit. Et ces contraintes participent à la qualité que nous recherchons. » Sous-traitant la mise en bouteille et en cartons, tous deux pensent réintégrer à terme cette tâche. Pierre Collado voit dans la montée en puissance des normes un tri qualitatif. « Ticket d’entrée de vente, amélioration des temps de travail, c’est notre logique. » Déjà, tous les deux réfléchissent « sérieusement » à intégrer la partie distillation dans le domaine pour la campagne 2020.