Faire cohabiter énergie et alimentaire sur les territoires
Chambres d’agriculture, communautés de communes, Région et Etat doivent travailler ensemble pour trouver un équilibre sur des surfaces agricoles de plus en plus réduites.
Chambres d’agriculture, communautés de communes, Région et Etat doivent travailler ensemble pour trouver un équilibre sur des surfaces agricoles de plus en plus réduites.
Pour l’agriculture, concilier production alimentaire et énergétique n’est pas qu’une question morale ou économique. L’équilibre est difficile à trouver, et dépend aussi de la typologie du territoire. Marie-Hélène Gouffrant, maire de Chillac et vice-présidente de la communauté de communes des 4B - 20 000 habitants en sud Charente -, témoigne de l’exercice d’équilibriste pour les collectivités locales. « Nous sommes entrés dans une démarche de territoire à énergie positive. Un poste financé par l’ADEME est dédié à l’énergie. La communauté de communes finit bientôt son PLUi. Tout ça nous a permis de travailler sur les spécificités de notre territoire », résume l’élue.
La tentation de voir dans la production d’énergie un nouvel El Dorado est forte mais trompeuse. Et Marie-Hélène Gouffrant de reprendre : « Sur l’énergie, on s’est rendu compte qu’on recevait beaucoup de développeurs qui voulaient s’installer, qui contactaient les propriétaires. On va faire un schéma directeur des énergies. Nous voulons être maîtres de ce qui se fait sur le territoire ».
Le secteur du sud Charente est, d’un point de vue agricole, divisé en trois secteurs entre vignes, céréales et élevage en déprise. Le potentiel pour l’agriphotovoltaïque existe et pourrait sauver des exploitations. La communauté de communes travaille avec la Chambre d’agriculture de la Charente pour développer des projets. Mais les freins ne manquent pas « Le sud Charente a du potentiel agriphotovoltaïque mais on n‘a pas de point de raccordement. Où envoyer l’électricité produite ? », s’inquiète Marie-Hélène Gouffrant.
Christian Daniau, président de la Chambre d’agriculture de la Charente, a rappelé que « nos enjeux c’est la souveraineté alimentaire et la souveraineté énergétique. L’UE a voté une politique qui tend à un maintien voire une baisse de la production sachant qu’il faudra aussi produire l’énergie. Aujourd’hui on a des solutions qui peuvent faire les deux : photovoltaïque, méthanisation. »
Accompagner les projets.
Dans ce contexte, « notre mission est d’accompagner les agriculteurs et les filières auprès des collectivités locales. » Il note que « les projets présentés il y a 2 ans n’étaient pas très vertueux. Là on a de beaux projets qui peuvent accompagner les projets agricoles », évoquant notamment les ombrières qui peuvent « aider à prévenir de certains épisodes comme grêle ou fortes chaleurs ». Mais il souhaite que ça aille plus vite. « Le port des projets est long, on manque de bras et de cerveaux. On doit aller plus vite avec moins de personnes. Je me tourne vers l’État : il faut une simplification administrative et une réduction des délais d’instructions. »
À cela, s’ajoute l’impossibilité de raccorder. « Pourquoi on n’arrive pas à brancher nos projets parce que pas de place dans le réseau ? Que de temps perdu. On a des bâtiments en attente depuis des mois. Pendant ce temps ce sont des tonnes de charbon ou de gaz consommés. Dans le Sud Charente, on est une zone défavorisée. Si on attend RTE, on va perdre encore 5 ou 6 ans »
Guillaume Rioux, polyculteur-éleveur et vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine, note que « nous avons parfois du mal à savoir où est le rôle de chacun, en tout cas le législateur a offert la possibilité aux régions de devenir « chef de file » pour prévoir une coordination. ». Avec deux inquiétudes principales : le dialogue avec les élus et la fragilité des entreprises. « La question est : quels risques on est prêts à prendre pour investir ? »
Pour Mickaël Chariot, chef du service économie agricole de la Draaf Nouvelle-Aquitaine, « dans la réalité, l’État externalise, des structures répondent et souvent pas à 100 % dans les délais demandés. Elles vont prioriser là où plus de monde. C’est une question d’efficacité de la demande. »
Alors énergie ou alimentation ? « C’est complémentaire. Nous avons des territoires avec des méthaniseurs, à côté des éleveurs et des CIVE. On doit voir à long terme. [...] Une culture peut avoir plusieurs destinations : alimentation, fourrage, méthanisation », conclut Christian Daniau.