Commerce
Le boom des brasseries artisanales
Les brasseries artisanales fleurissent en France, avec 328 ouvertures de brasseries cette année. Les Deux-Sèvres sont aussi touchées par ce phénomène, qui répond à l’attente d’un produit authentique et local.
Les brasseries artisanales fleurissent en France, avec 328 ouvertures de brasseries cette année. Les Deux-Sèvres sont aussi touchées par ce phénomène, qui répond à l’attente d’un produit authentique et local.
Alors que la consommation de bière industrielle diminue d’année en année en France, la filière artisanale monte en flèche. Au-delà du phénomène de mode, les brasseurs veulent engager un changement culturel, là où le vin a souvent régné en maître. La bière, produit populaire et festif, gagne peu à peu ses lettres de noblesse.
Ça mousse en Deux-Sèvres
Tête de mule, Louis et Marguerite, la Chamoise... Avec leurs noms accrocheurs et leurs étiquettes colorées, ces marques de bière se sont fait connaître en Deux-Sèvres, où le nombre de brasseries artisanales a doublé en six ans (voir la liste en bas de page). On en dénombre aujourd’hui une douzaine, avec la dernière-née en juillet 2020 dans le Bocage, Au ptit Brasseur d’Argentonnay.
En tête du wagon, la Brasserie du Marais Poitevin a remporté cette année le Prix d’Excellence au Concours Général Agricole. « C’est la première brasserie à obtenir ce prix », se réjouit son gérant, Sébastien Courtin. Depuis 2017, les bières Tête de mule reçoivent chacune leur médaille lors du SIA. « La médaille valide une recette, le Prix d’Excellence valide la brasserie elle-même », renchérit le commercial de formation. Après quinze années à brasser dans son garage, Sébastien Courtin a sauté le pas en 2014 en lançant cette marque locale à l’effigie de la mule poitevine, dans le site hautement touristique de Coulon.
Chacun sa recette
Pour se démarquer, c’est d’abord le goût qui entre en jeu. Comme de nombreux brasseurs, Sébastien Courtin a commencé avec des bières conventionnelles, plus connues du grand public. « La blanche, faite avec du blé, est plutôt légère et désaltérante, l’ambrée fait ressortir une note caramélisée », décrit-il. Avec cinq bières pour implanter la marque dans le paysage, il lance à la rentrée deux nouveaux produits plus typés : une Porter bien brune et une Pale Ale moins amère que l’IPA et fruitée au nez.
Thomas Vergnaud, fermier brasseur à la Chapelle-Thireuil, a quant à lui développer dès le départ une gamme plutôt large de ses bières Louis et Marguerite : « J’ai entre 16 et 20 bières, plus L’humeur du brasseur qui change tous les mois ». Il crée ses bières en fonction des céréales qu’il récolte lui-même : « Je cherche la diversité plus que la quantité. » Mélange de céréales, bières vieillies en fût de chêne, il varie les recettes et le plaisir pour une production de 50 à 100 hl par an ; loin des 1500 hl de la Brasserie du Marais Poitevin. « Mon activité première reste la production de céréales », explique Thomas Vergnaud.
Pour mieux faire connaître leur métier et leurs produits, les brasseurs proposent des ateliers de brassage, d’initiation à la zythologie*, de la vente en ligne ou encore la création de bière sur mesure pour des évènements.
Local, vraiment ?
Du houblon des Etats-Unis, de l’orge provenant de toute la France... La bière peine à s’ancrer dans le territoire. Pour Philippe Rambaud, caviste à Esprit Sommelier à Niort, « on ne peut pas parler de terroir en bière comme pour le vin. Ce qui fait la bière aujourd’hui, c’est surtout la main du brasseur ». L’avenir de la filière s’écrira selon lui en portant plus d’attention à l’origine locale des matières premières.
La fleur de houblon, qui donne à la bière son amertume et son parfum, est cultivée par quatre grands producteurs mondiaux. Leur catalogue de plusieurs dizaines de variétés les rend difficilement remplaçables d’après les brasseurs interrogés. « J’apprécie le houblon de Nouvelle-Zélande, témoigne Thomas Vergnaud. Pour avoir des variétés de houblon bio, c’est difficile en France. » Sébastien Courtin le confirme : « C’est une culture très technique, le houblon est une plante grimpante qui a besoin d’un climat humide, sans soleil direct. » Historiquement cultivée en Alsace, elle y est produite par la coopérative Comptoir Agricole, qui la décline en une quinzaine de variétés.
Du côté du malt d’orge, Sébastien Courtin se fournit dans la région de Poitiers, s’étant lié au début de l’aventure avec une brasserie de la Vienne. Thomas Vergnaud travaille lui avec la malterie Première moisson basée en Charente-Maritime.
À noter dans vos agendas : le Salon des vins et bières des Deux-Sèvres samedi 18 juillet, de 8h30 à 17h sur la place du Donjon à Niort. Ce rendez-vous marque le lancement de la saison des marchés de producteurs.
*Zythologie ou biérologie : étude de la bière, du brassage et des brasseries d’un point de vue historique, technique et gustatif.
De la terre à la bière
Cultiver des céréales bio en Gâtine, c’est le pari du père de Thomas Vergnaud quand il a repris la ferme de ses parents, Louis et Marguerite (dont les noms ont inspiré la marque de la bière), à la Grande Vaux. Quand le fils reprend à son tour, il poursuit les cultures en place sur 146 ha, en ajoutant la production d’orge à celle de blé, maïs et tournesol. Grâce aux outils améliorés par son père, Thomas Vergnaud ne démarre pas de zéro et poursuit les innovations pour s’adapter le plus possible à ses parcelles (biodynamie, technique sans labour).
Les grains d’orge brassicole (variété Planet) répondent à des critères précis : une taille supérieure à 2,5 mm, un taux de protéines compris entre 9,5% et 11,5%. « Il ne faut pas trop de protéines pour obtenir un jus de céréales, non une pâte. » Les grains sont d’abord transformés en malts après une phase de germination et de séchage. Les malts concassés sont ensuite mélangés à de l’eau chaude, qui va activer les enzymes pour couper l’amidon et donner des sucres fermentescibles. C’est l’empâtage.
Filtré, le jus de céréales, appelé moût, est porté à ébullition avec les granulés de houblon. Il est transféré dans une cuve avec les levures pour l’étape de fermentation, qui nécessite des températures comprises entre 15°C et 25°C, c’est pourquoi Thomas Vergnaud ne brasse pas l’été. Les levures transforment les sucres en alcool pendant quinze jours. La bière est affinée en garde-froide avant le conditionnement en bouteille ou en fût.
Les brasseries artisanales en Deux-Sèvres :
- La Gabarde, Clesse
- Brasserie du Marais Poitevin, Coulon
- Pelboise, Melle
- Fabrique de bière artisanale, Prailles
- La Thouarsaise, Sainte Verge
- Starmust, Mauléon
- LaPC, Fors
- La Sainte Aubinaise, Saint Aubin de Baubigné (producteur brasseur)
- Brasserie du Val de Sèvre, Pamproux
- Au P'tit Brasseur d'Argentonnay, Argentonnay
- La Chamoise, Bessines
- Louis et Marguerite, Beugnon-Thireuil