Frelon asiatique
Le frelon asiatique sous surveillance
L’hyménoptère est présent sur la quasi-totalité du territoire départemental. Entre le printemps et le mois de novembre, la destruction des nids permet de ralentir la prolifération de cette espèce invasive.
«Il faudra faire avec. » Quels que soient les acteurs contactés, le point de vue est le même. Scientifiques, apiculteurs, associations de développement apicole, groupements de défense contre les organismes nuisibles affirment que l’éradication du frelon asiatique en France est désormais illusoire. Vespa Velutina Nigrithorax a débarqué en France en 2004 et a colonisé tous le sud-ouest de la France. Il remonte. Le Muséum national d’histoire naturelle tient une carte à jour (1). En dessous d’une ligne virtuelle de la Vendée à l’Indre, tous les départements de l’ouest sont plus ou moins infestés. Des nids ont également été identifiés en Ille-et-Vilaine, en Seine-Saint-Denis ou encore en Côte d’Or.
Une centaine de nids en Deux-Sèvres
En Deux-Sèvres, Christophe Suire, de la Fédération des groupements de défense contre les organismes nuisibles (FDGDON), est l’un des témoins de cette progression. Il travaille ces derniers mois au recensement des nids de frelons asiatiques sur le territoire départemental. Contacté en fin d’automne par Joseph, un habitant de la commune de Bessines, le technicien observait son trentième nid depuis que les feuilles des arbres sont tombées. Un chiffre en dessous de la réalité départementale. Les services vétérinaires parlent d’une centaine de nids situés sur les trois quarts sud du département. « Nous avons une confirmation sur la commune de Saint- Pardoux et quelques suspicions, non confirmées, sur les régions de Bressuire et Thouars », annonce Cyrille Girard, vétérinaire à la direction départementale de la cohésion sociale et la protection des populations.
Tout au long de l’été, Joseph a pêché au pied du peuplier qui supporte à 20 mètres de hauteur le nid abandonné et en décomposition ce début janvier. « J’ai entendu des frelons voler autour de moi. J’ai même observé leur manège. Ils descendaient à la rivière et repartaient je ne savais où à l’époque. » Cette présence, le riverain n’en a pas fait de cas jusqu’à la chute des feuilles.
Contacté fin novembre, Christophe Suire, de la FDGDON, conseillait au propriétaire de la parcelle de laisser les choses en l’état. « A cette période de l’année, les futures reines ont déjà quitté le nid pour hiverner. Intervenir, c’est gaspiller entre 150 euros et 350 euros selon la hauteur du nid et l’intervention réalisée, juge le technicien. L’hiver, la colonie meurt. » Dans quelques semaines, « dès les premiers redoux du printemps, les reines fécondées à l’automne vont sortir pour fonder de nouvelles colonies », explique Quentin Rome, ingénieur de recherche au Muséum national d’histoire naturelle. Dès lors et jusqu’au mois de novembre, la lutte par destruction des nids est efficace pour ralentir la prolifération de cette espèce (2). « Il faut intervenir le plus tôt possible », affirme le chercheur conscient de la difficulté que représente le repérage d’un nid.
Le piégeage est une seconde possibilité pour espérer casser la dynamique invasive à laquelle la France fait face ces dernières années. Sur ce point, le scientifique reste prudent et recommande une action raisonnée. « Les apiculteurs défendent leurs abeilles et c’est normal. Mais parce que l’efficacité des pièges sélectifs n’est pas encore totale, de nombreux insectes y meurent inutilement sans noter d’impact significatif sur les populations de frelons. » L’utilisation de ces outils à proximité de ruches autour desquelles le frelon asiatique aurait été observé semble légitime. Par ailleurs, Quentin Rome fustige l’utilisation de « piège à bière ». « De nombreux programmes de recherche sont en cours, y compris sur la mise au point de pièges. Seule une bonne connaissance de la biologie et du comportement de l’hyménoptère nous permettra de le combattre efficacement. Nous y travaillons », conclut-il.
(1) http://inpn.mnhn.fr/isb/servlet/ISBServlet?action=Espece&typeAction=10&…
(2) La destruction par pulvérisation d’insecticide impose la destruction du nid afin de préserver les insectes et oiseaux susceptibles de venir y prélever quelques larves mortes et contaminées.
Le frelon asiatique consomme des abeilles mais pas seulement
Comment se développe une colonie ?
Quentin Rome, ingénieur de recherche au Muséum national d’histoire naturelle : C’est vers la fin de l’été que les femelles reproductrices de la nouvelle génération quittent le nid en compagnie des mâles pour s’accoupler ; elles sont les seules à hiverner tandis que les mâles, les dernières larves et les ouvrières meurent. Au printemps, chaque reine fondatrice ébauche un nouveau nid, pond quelques œufs et soigne ses premières larves qui deviendront, un mois à un mois et demi plus tard, selon la température, des ouvrières adultes capables de prendre en charge la construction du nid et l’entretien de la colonie. La reine consacrera alors le reste de sa vie à pondre. Avec l’apparition des ouvrières, l’activité de la colonie s’intensifie considérablement et la taille du nid augmente pour atteindre son maximum au cours de l’automne. La colonie n’est composée que d’ouvrières (femelles stériles dont l’espérance de vie est d’environ deux mois) jusqu’à ce que la nouvelle génération de sexués mâles et femelles se développe à la fin de l’été. Sur une année, la reine peut donner naissance à près de 15 000 individus. Comme chez toutes les guêpes sociales (guêpes communes, frelons et polistes), les colonies du frelon asiatique ne vivent qu’un an. On peut donc, au cours de l’hiver, détacher un nid sans risque car tous les habitants sont morts.
De quoi se compose l’alimentation du frelon asiatique ?
Les données sont encore imprécises. Il est question de plus ou moins un tiers d’abeilles, selon la zone colonisée : zone urbaine ou rurale. Les deux tiers de son régime alimentaire se composent d’autres choses : guêpes, bourdons, chenilles, papillons, mouches…
Le frelon asiatique est-il dangereux pour l’homme ?
En France, tous les observateurs s’accordent sur le fait que Vespa Velutina n’est pas agressif et qu’il est possible d'observer son nid à 4 ou 5 m de distance sans risque. Les rares personnes piquées l’ont été en tentant de détruire un nid ou en touchant une ouvrière par inadvertance. La piqûre, si elle est douloureuse, n’est pas plus dangereuse que celle d’une guêpe mais les personnes allergiques au venin d’hyménoptères doivent bien sûr rester très prudentes.
Pourquoi le détruire ?
Sur une saison, 12 000 à 15 000 individus peuvent se succéder dans un nid (1200 en même temps). Même si nous ne connaissons pas encore très bien les quantités de nourriture ingérées par chaque frelon, il est assez facile d’imaginer, vu le nombre, l’impact que la multiplication des colonies peut avoir sur la faune autochtone.