Celles-sur-Belle
Le fumier des volailles fertilise le sol à la place de la chimie
Interpellé, Kévin Pineau a présenté son projet aux riverains inquiets. Il aurait apprécié pouvoir échanger sur la création de son bâtiment avicole, avant que son exploitation ne défraie la chronique.
Interpellé, Kévin Pineau a présenté son projet aux riverains inquiets. Il aurait apprécié pouvoir échanger sur la création de son bâtiment avicole, avant que son exploitation ne défraie la chronique.
Kévin l’assume : c’est avec une approche économique qu’il développe son activité agricole. Et parce que cette approche est économique, le jeune agriculteur installé au Luc, commune de Celles-sur-Belle, travaille dans le respect de la réglementation. Les investissements - près de 600 000 € - que nécessite le poulailler, objet d’une controverse locale, ne laissent pas de place à l’à-peu-près. Accompagné par l’entreprise Bellavol, organisme de production avicole du groupe LDC, le céréalier, demain polyculteur éleveur, a pris le temps de la réflexion.
Attentes sociétales
En 2016, Kévin s’installe en reprenant 122 ha exploités par son père quelques années plus tôt. Sur 100 ha, il cultive des céréales. La production des prairies qui couvrent le reste de la surface est vendue sur pied à des confrères éleveurs en manque de fourrage.
Double actif, le jeune homme, aujourd’hui âgé de 26 ans, cherche, depuis son installation, à compléter son temps de travail pour ne vivre que du produit de la ferme. « Je suis éleveur dans l’âme », confie-t-il. En 2019, au terme d’une longue réflexion, il arrête son choix sur l’élevage de volailles. « Le marché est tirant. La production est technique. La rentabilité est, de mon point de vue, intéressante », argumente le porteur de projet. Cet atelier, dont le permis de construire est accordé, renforcera l’assise économique de l’exploitation. Kévin a fait ses calculs. Outre sa rentabilité intrinsèque, l’outil renforcera la cohérence de l’ensemble de la ferme alors composée de deux ateliers. « La paille, issue de la production des céréales, sera valorisée dans l’élevage ». Le fumier de volaille qui sortira du bâtiment sera épandu sur les terres. Cette valorisation en circuit court assurera la fertilité des sols en lieu et place « des engrais chimiques utilisés, faute de mieux jusqu’à aujourd’hui », explique l’agriculteur. Outre des économies substantielles - « 6 000 € par an », a calculé Kévin – cette pratique, qui répond aux attentes sociétales – baisse de l’utilisation d’intrants chimiques – présente « un réel atout agronomique », juge Gérard Kéraval, technicien en production avicole à la chambre d’agriculture. « Les sols ont tendance à s’appauvrir en matière organique », précise-t-il. Le fumier, parce qu’il nourrit la vie du sol, participe à sa structuration. « Il est un élément important pour lutter contre l’érosion », insiste l’expert.
Le marché oriente les productions
Convaincu de créer sur sa ferme les conditions d’une complémentarité vertueuse entre élevage et production céréalière, Kévin recevait, mardi 25 février, le collectif qui, depuis quelques jours, cherche à mobiliser largement contre son projet. « Je n’ai rien à cacher. En bien des points ce projet répond aux attentes actuelles », juge-t-il. Le bien-être animal est travaillé. « Les conditions d’élevage ont été revues, suite à des groupes de travail auxquels ont participé des associations welfaristes, explique Stéphane Landreau, directeur de Bellavol. Les bâtiments qui accueillent la production de la gamme dite poulet du quotidien sont équipés de larges fenêtres pour que les animaux profitent de la lumière naturelle ». La densité d’animaux au mètre carré est calée en deçà de la réglementation. « Il y aura entre 19 à 20 volailles au mètre carré dans mon bâtiment, quand la réglementation fixe le maximum de 22 », précise Kévin, convaincu que cet effort le servira en termes de productivité. Le travail appelé des vœux d’un pan de la société est en cours, note le responsable de l’organisme de production avicole affirmant : « Nous sommes prêts à ce jour pour faire encore mieux. Nous avons travaillé sur l’enrichissement du milieu pour être au plus près des comportements naturels. Nous sommes en train de caler des modèles sur une densité de 15 volailles au mètre carré. La concrétisation tient à la capacité du marché à absorber les surcoûts qui pourraient alors être de 30 % sur une volaille entière. Les distributeurs qui se sont engagés à proposer d’ici 2025 des gammes de produits répondant aux attentes des consommateurs n’ont pas encore arrêté leur cahier des charges ».
Les entreprises de l’industrie agroalimentaire sont sensibles aux attentes sociétales, certifie Stéphane Landreau. Il prend pour preuve le fort développement ces dernières années des gammes biologiques et volailles certifiées : « C’est un constat, aujourd’hui, ces marchés sont en tension, alors que la dynamique commerciale appelle des produits de la gamme poulet du quotidien ».
Dans un contexte caractérisé par une augmentation de la consommation française de poulet (+ 3% en volume, source Agrest), une production nationale stable, le poulet d’importation prend de la place (+ 7%, en volume, source douane (*). Une réalité dont se désolent JA 79 et la Fnsea 79 qui s’inscrivent en soutien à Kévin Pineau. Dans un communiqué de presse, ils assurent : « Ce projet permet de stabiliser et viabiliser une exploitation (…) tout en approvisionnant un marché occupé ces derniers mois par des produits d’importation loin de respecter les normes imposées en France ».
(*) dans le même temps l’exportation connaît une baisse de 3%.
Positions syndicales
Opposition : faire évoluer le modèle agricole