Les boulangeries, le nerf des petites communes
À Port-de-Piles et Buxeuil, il n'y a qu'un pont à traverser pour se retrouver en Indre-et-Loire. Là, deux boulangeries résistent à la fuite des commerces des villages. Jacques Sirot, 56 ans tient la boulangerie de Buxeuil et Justine Bourgeois, 22 ans celle de Port-de-Piles.
Deux générations mais les mêmes passions, de la boulangerie et de la pâtisserie, et même de la chocolaterie pour Justine Bourgeois. L'amour de la ruralité aussi parce qu'ils ont tous les deux choisi de s'installer dans ces villages de quelques centaines d'habitants que sont Buxeuil et Port-de-Piles, au nord du département. Après 45 000 € d'investissement, Jacques Sirot a ouvert les portes des Délices de Saint Jacques en juillet 2022, à quelques mètres du pont qui sépare la VIenne de l'Indre et Loire. Et avec cette ferme intention de faire vivre la ruralité. " Pour moi et ma femme c'est un retour aux sources, je suis né à Abilly et Marylène à Descartes. J'ai tenu une boulangerie pendant 26 ans à Ruffec. J'avais envie de revenir dans le coin et dans un petit village. Pour moi, les boulangeries sont le nerf des petites communes. Sans elles, il y a moins de vie " assure Jacques Sirot. La boulangère-pâtissière de "La maison Bourgeois" à Port-de-Piles confirme : " Ici, le dimanche, c'est le centre du village. Les gens se rencontrent, discutent devant la boulangerie et même parfois à l'intérieur pendant de longues minutes " sourit Justine Bourgeois.
Des beaux gâteaux, dans un petit village
Après quelques jours de travaux de réfection, c'est en août dernier qu'elle a rouvert la boulangerie de Port-de-Piles, sous le nom de "Maison Bourgeois". Dans ce village d'un peu moins de 600 âmes, elle a passé la plupart de ses vacances et de ses week-ends, dans la maison secondaire familiale. " L'ancien propriétaire nous avait dit, deux ans avant, qu'il souhaitait arrêter. J'ai eu un déclic. Je me suis dit que je voulais faire des beaux gâteaux ici, même dans un petit village " explique Justine Bourgeois qui confectionne des baba au rhum, forêt-noire et framboisiers bien appréciés des clients. Mais deux ans auparavant, elle est en CAP chocolaterie à l'École Ferrandi à Paris. Elle se lance dans la foulée dans des CAP de Boulangerie et de pâtisserie pour pouvoir s'installer et convainc ses parents, sans difficulté, de la suivre dans l'aventure. " On a tout lâché à Paris " souligne sa maman, Alexandra Boizier qui tient la partie vente pendant que le papa fait les tournées quotidiennes à 15km alentours. "C'est un service de proximité auquel on tient beaucoup" précise Justine Bourgeois.
16h par jour
Avec presque 35 ans de plus, Jacques Sirot se félicite de voir que des jeunes comme Justine Bourgeois, 22 ans, reprennent les boulangeries de village. " Je suis fier de son courage" dit le premier. " Je peux compter sur Jacques si j'ai besoin de conseils " explique la seconde. Pour Jacques Sirot c'est une note d'espoir aussi. Il pense en effet à la transmission de son commerce même si, actuellement, ce sont les difficultés de recrutement qui l'animent. "Je suis seul à la production et ce n'est pas forcément un choix. Nous avons une apprentie en vente mais c'est difficile de trouver du personnel ou d'avoir du temps pour le former. Je travaille 16 heures par jour. Depuis peu, j'ai décidé de diminuer ma production de viennoiseries et de pâtisseries et je réfléchis à une journée supplémentaires de fermeture " explique le boulanger de Buxeuil, inquiet, aussi, des hausses de tarifs qui s'annoncent. " L'énergie va prendre 9% et on perd les amortisseurs et les boucliers tarifaires. Ça va encore être difficile à la fin du mois. Il faudrait qu'on se mobilise comme les agriculteurs ont su le faire. Au moins pour attirer l'attention sur notre situation " ajoute Jacques Sirot.
Le boulanger n'en perd pas pour autant sa passion, qu'il n'hésite d'ailleurs pas à transmettre. Il anime régulièrement des ateliers dans l'école du village. "Les enfants fabriquent du pain d'épice en hiver et des beignets au printemps. Et après ils dégustent. Nos écoles sont tout aussi importantes que nos commerces dans nos villages. Et ça peut déclencher des vocations " confirme Jacques Sirot.