Les chambres face au dépérissement
Plus 70 facteurs seraient à l’origine de ce mal. On peut agir sur certains.
Les chambres d’agriculture estiment être particulièrement «légitimes» dans la lutte contre le dépérissement du vignoble, parce que le plan national de lutte a placé les viticulteurs au coeur de ce programme, a indiqué Magali Ardiley, coordinatrice du plan pour les chambres. «L’ambition numéro 1» du Plan national de lutte contre le dépérissement du vignoble (PNDV) est de tisser un réseau de viticulteurs et de formateurs pour transférer les bonnes pratiques.
Déjà 29 réseaux de viticulteurs constitués
Les chambres d’agriculture ont déjà créé 29 réseaux de viticulteurs : 16 dans les bassins viticoles de Rhône et Provence, 9 en Val de Loire et 4 en Charentes. «Les viticulteurs doivent être acteurs parce que le dépérissement du vignoble leur coûte cher (une perte de 4,6 hectolitres de vin par hectare en moyenne). Les chambres sont impliquées pour animer leurs échanges d’expérience», a souligné Bernard Artigue, président de la Chambre d’agriculture de la Gironde et président de la commission viticole de l’APCA (Assemblée permanente des chambres). Le dépérissement du vignoble, encore appelé «maladies du bois de la vigne», est un phénomène complexe qui se traduit par une baisse de rendement et de longévité de la vigne. Il est notamment lié à des champignons, parmi 70 facteurs plus ou moins élucidés, a rappelé Christophe Riou, directeur adjoint de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV).
Le dépérissement frappe de façon aléatoire
Les réseaux de viticulteurs s’échangent des informations et des méthodes, car le dépérissement du vignoble est aléatoire : «Pourquoi à tel endroit un cep dépérit et pas à un autre endroit ? On sait seulement que la proportion de ceps malades est d’un sur dix», a témoigné Bernard Artigue. «Sur la même parcelle on voit des plants qui résistent et d’autres qui dépérissent et on ne sait pas pourquoi », a ajouté Boris Desbourdes, viticulteur dans l’appellation de Chinon. Son constat : les vignes plantées dans les années 1970 font meilleure figure que celles plantées dans les années 1990. Constat partagé aussi par Bernard Artigue, évoquant une moindre rusticité de la vigne.
«Certains accusent aussi le sécateur électrique de provoquer des plaies sur la vigne, qui laissent entrer les champignons et les virus. Mais je n’envisage pas pour autant de revenir au sécateur manuel, car je ne tiens pas à avoir à me faire opérer du canal carpien !», a poursuivi Boris Desbourdes. Des stress climatiques d’envergure comme celui de la canicule de 2003 et du gel de 2017 sont aussi incriminés dans la vulnérabilité accrue de la vigne.
Diffusion d’un savoir-faire peu coûteux
Face à ces inconnues, les viticulteurs diffusent de nombreuses méthodes. Par exemple la taille Guyot-Poussard de la vigne : il s’agit de favoriser la circulation de la sève en ligne droite, tout comme un circuit électrique est plus performant quand il fait un parcours direct, sans coudes ni boucles, a expliqué Boris Desbourdes. Le viticulteur a ensuite montré, tronçonneuse en main, que le curetage est une opération rapide : on fend en deux le cep, et ainsi le champignon rongeur de bois meurt au contact de l’air. Le cep repart dans 50 % des cas. Cette opération évite l’achat d’un nouveau plant, soit une économie d’une dizaine d’euros si l’on compte aussi le trou à creuser et le tuteur à fixer.
Le recépage est une méthode qui évite aussi cette dépense d’une dizaine d’euros. Il consiste à laisser les rejets du cep dépérissant, et quand un des rejets atteint la grosseur du cep, on coupe ce dernier pour que le rejet prenne le relais du cep malade.
Le regreffage quant à lui évite lui aussi l’achat d’un nouveau plant. On prélève une tige de vigne, puis on la greffe dans une fente pratiquée dans le tronc du cep malade, que l’on a préalablement coupé près du sol, a montré Thomas Chassaing, conseiller à la Chambre d’agriculture du Maine et Loire. L’opération prend 5 à 10 minutes. De plus, un cep regreffé produit des vins de meilleure qualité oenologique, a précisé Thomas Chassaing.