Les pommes des Charentes, le choix de la qualité plutôt que de la quantité
Malgré les intempéries printanières, la récolte de pommes devrait être bonne cette année. Un contraste saisissant avec le mauvais cru 2017.
En Saintonge, pays des vignes, la culture des pommes reste confidentielle ; une production de niche, où peu d'exploitants sont impliqués. Les vergers sont rares ; quelques centaines d'hectares au plus. Difficile dans ces conditions de rivaliser avec les immenses surfaces d'Occitanie ou même avec les pommes du Limousin et leur AOC. Pourtant, la filière résiste et gagne même en dynamisme (voir notre encadré ci-dessous). Pour les producteurs, l'objectif n'est pas la quantité, mais bien la qualité.
Un choix que revendique clairement Thierry Faure, arboriculteur à Saint-Sigismond-de-Clermont près de Jonzac. Sur son exploitation, il cultive une dizaine de variétés de pommes différentes, ainsi que quelques poires, Grand Champion ou Harrow Sweet. Chez les pommes, les noms qui reviennent le plus souvent sont Goldrush, Rubinette... Et surtout la Chantecler, qu'on appelle plus souvent dans la région Belchard.
Autant de noms propres à faire saliver les connaisseurs, souvent des professionnels d'ailleurs. «On a choisi de produire des variétés à haute valeur gustative», explique Thierry Faure, des pommes qui trouvent principalement preneur à Rungis, où s'écoulent plus des deux tiers de sa production. Le reste se disperse dans de grandes villes de France, et jusqu'au Pays Basque espagnol. Dans son secteur d'activité, la vente directe aux consommateurs reste marginale ; surtout des poires, et à peine 2 ou 3 % de son volume de pommes. Les clients qui font la route jusqu'à son exploitation sont principalement des gens du secteur de Jonzac ou Mirambeau, mais ils viennent parfois de plus loin, de la Gironde voisine par exemple.
Une météo excellente pour le taux de sucre
Cette année, les conditions climatiques ont apparemment été clémentes avec les arboriculteurs, ou en tout cas moins terribles que l'année précédente. Thierry Faure a bien déploré un peu de grêle, et il a craint des dégâts lors de la tempête de la fin août ; mais son exploitation s'en est bien tirée, avec «1 kg de perte par pied, au maximum». La pluie a été abondante jusqu'au mois de juin, puis suivie d'une sécheresse qui, malgré les désagréments qu'elle comporte, a eu un excellent effet sur le taux de sucre des pommes. À la fin de la période estivale, quelques nuits fraîches se sont révélées du meilleur effet pour la couleur rougeoyante des premières pommes récoltées, favorisée par le différentiel de température entre le jour et la nuit. «En agriculture aussi, on peut avoir de la chance», s'amuse-t-il.Ces conditions ont aussi favorisé le calibre des pommes. Les grosses pommes sont plus rentables pour les producteurs que le même tonnage de pommes plus petites, nécessitant davantage d'efforts à la cueillette. Par ailleurs, elles contribuent à la valorisation des fruits des Charentes sur un marché très exigeant. Les rendements de l'exploitation de Thierry Faure oscillent entre 50 et 60 tonnes par hectare, «et c'est une réussite», selon les mots de l'exploitant. de gros fruits donc, qui devraient bien s'écouler sur un marché européen intéressant. La récolte de 2017 était limitée, et le report du stock l'est aussi, laissant les frigos vides prêts à accueillir les pommes de 2018. L'activité reprendra vraiment dans la seconde moitié de septembre, à l'approche de la phase de récoltes la plus importante. D'ici là, tout peut encore basculer avec la météo...
Les saisonniers convoités
En attendant, les premières pommes cueillies sont déjà arrivées dans les bâtiments des établissements Faure. Principalement des Reines des Reinettes, une variété à la belle couleur rouge agrémentée de quelques tâches vertes. Avec les multiples variétés de pommes qu'il cultive, Thierry Faure a du travail toute l'année, et une saison de cueillettes bien étendue, ce qui permet d'occuper au mieux ses onze salariés permanents et les saisonniers qu'il emploie, entre 25 et 30, selon les années.Leur recrutement, en arboriculture comme ailleurs, est une question sensible. «En juin, je n'ai trouvé personne pour l'éclaircissage», explique Thierry Faure. Un manque de main-d'oeuvre tel qu'il a songé à faire appel au service de cueilleurs venus de l'étranger. «C'est très difficile en général», mais, pour cette récolte, il estime avoir recruté des gens motivés et sérieux.
Comme les légumiers, les arboriculteurs craignent que la suppression du dispositif TODE (Travailleur occasionnel demandeur d'emploi) prévue pour le 1er janvier n'affectent leur compétitivité. Thierry Faure évoque une augmentation des coups de 400 euros par mois, par saisonnier. Un facteur qui encourage encore le recours à la mécanisation déjà croissante du métier.