Porc : le fonds d'urgence s'enlise
Le fonds de 100 millions d'euros promis par les distributeurs tarde à se concrétiser. Les abatteurs de Culture viande ne veulent pas jouer le rôle de collecteur auprès de la distribution, craignant de devenir contributeurs malgré eux. De plus, Coop de France souhaiterait que l'étiquetage de l'origine des viandes s'applique avant la mise en place du fonds.
C'était le 8 février dernier, sur le parvis de Matignon : les distributeurs (grande distribution, restauration hors domicile, boucheries...) annonçaient qu'ils acceptaient de venir en aide des producteurs de porcs, au travers d'un fonds d'urgence de 100 millions d'euros. L’annonce promettait environ 20000 euros pour un éleveur moyen (200 truies).
Mais deux mois plus tard, ces promesses tardent à se concrétiser.
Les producteurs et les abatteurs n'arrivent pas à se mettre d'accord sur… la collecte des fonds. Le 5 avril, les abatteurs du syndicat Culture viande ont indiqué aux producteurs de la FNP (Fédération nationale porcine) et de la FNSEA qu'ils ne s'associeraient pas à la mise en place du fonds « tel que proposé ». « En l'état, il n'y a pas d'accord de principe », explique Paul Rouche, directeur délégué de Culture viande.
Manque de confiance
Que proposaient la FNP et la FNSEA ? Que les transformateurs (Cooperl, Bigard, Aoste...) prélèvent une contribution sur les factures qu'ils adressent aux distributeurs (environs 22ct/kg, selon Culture viande) ; les fonds seraient ensuite reversés aux producteurs par une association créée à cette fin.
Le choix de la rapidité et de la simplicité, expliquaient la FNSEA et la FNP dans un communiqué le 1er mars, car il s'appuie sur des procédures déjà existantes (taxe équarrissage).
Ce montage fut rapidement validé par le président de l'Autorité de la concurrence française, dix jours plus tard, ce qui aurait dû convaincre les plus frileux. Pourtant la solution ne satisfait pas les abatteurs.
Tout d'abord, ils craignent de devenir contributeurs au fonds malgré eux ; concrètement, ils redoutent que chaque gérant de grande surface ou de centrale ne négocie des contreparties à la surtaxe de 22 ct/kg, ou que les salaisonniers ne privilégient les viandes étrangères, qui elles ne seront pas soumis à cette « surtaxe ». « On connaît trop bien les gérants de magasins, ils se moquent bien des éleveurs », explique Paul Rouche.
En somme, les abatteurs craignent de payer indirectement une partie des 100 millions d'euros promis à Paris par les patrons de la grande distribution.
Leur proposition : que les distributeurs versent directement leur contribution aux producteurs. Trop compliqué, répond la FNP. « Si on part sur une facturation directe, nous n'aurons que la contribution des GMS, explique François Valy, membre du bureau de la FNP. Comment voulez-vous faire payer les 18 000 bouchers ? C'est très compliqué ». Selon la FNP, les bouchers représenteraient 30 % du fonds... soit 30 millions d'euros. De plus, la validation de l'autorité de la concurrence française portait précisément sur ce mode de collecte. Et le temps presse trop pour en passer par une nouvelle validation, explique-t-on à la FNP.
Calendrier trop serré ?
Pour ajouter à la confusion, le mode de collecte n'est pas le seul point de désaccord entre producteurs et abatteurs : ces derniers estiment que le calendrier proposé par la FNSEA et la FNP est trop serré.
Les abatteurs de Coop de France réclament la parution préalable du décret sur l'étiquetage d'origine des viandes, pour limiter le risque d'arbitrage en défaveur des viandes françaises.
Or, ce décret ne devrait pas paraître avant juillet.
Le 1er avril, le président de la FNSEA Xavier Beulin a annoncé lors du congrès de son syndicat que les premiers versements pourraient arriver dès la mi-juin ; son calendrier sera compliqué à tenir.