Plan de soutien
Quand les agriculteurs font leurs comptes
Le plan de soutien avec ses deux mesures phares, prêt de trésorerie et prêt de consolidation, sera loin de compenser les pertes accumulées depuis que les agriculteurs tirent la sonnette d’alarme. Exemple dans une exploitation laitière et céréalière.
«Ce plan arrive trop tard. » C’est en tout cas le point de vue d’Alain Billerot. Installé en Gaec avec son frère Jérôme, sur 180 hectares entre Exireuil et Saint-Maixent, il a fait ses comptes. Tout au plus peut-il en effet espérer prétendre à un prêt de trésorerie de 30 000 euros qui pourrait être multiplié par deux, dans le cadre du regroupement de l’exploitation.
La semaine dernière, Alain Billerot expliquait aux responsables de la FRSEA et du CRJA les conséquences de la dégringolade du prix du lait et du niveau élevé des charges sur leur exploitation. En moyenne sur l’année 2008, les 1000 litres ont été payés 340 euros. Cette année, ce sera 206 euros. Soit une perte de chiffre d’affaires de 48 000 euros.
La prudence est de mise pour les investissements
Les associés ne pourront pas prétendre à un prêt de consolidation. L’EBE est trop élevé avec la vente de la part de céréales qui n’a pas été consommée par les 70 vaches laitières, même si les prix ont chuté de 30% cette année. « On pourrait accepter une baisse des prix si on pouvait comprimer les charges…, mais on n’a pas trouvé de levier pour cela », explique Alain. Les associés restent alors prudents en matière d’investissement. Au risque de faire « exploser » le poste d’entretien du matériel. Un tracteur aurait logiquement dû être changé cette année. Il sera simplement réparé .
« En prenant du retard, ce plan n’a fait qu’accentuer les déficits et surtout il ne donne aucune lisibilité sur la gestion des volumes, donc sur le moyen terme des exploitations », poursuit Alain. « A 300 euros les 1000 litres de lait, on paie les frais et on commence à puiser dans les réserves du Gaec ; à 260 euros, on fait patienter les fournisseurs… », explique-t-il en guise d’illustration de la dégradation de la trésorerie. Dans cette crise multiproductions, même la vente des veaux de huit jours ne rapporte rien. « On les vend 50 euros. C’est le prix d’une insémination ! ».
Dans ce contexte, il n’est pas question d’envisager concrètement l’installation de Clément, fils de Jérôme, en apprentissage sur la ferme. C’est ce qu’ont dit les syndicalistes au Draaf quand ils parlent « de retrouver des perspectives », notamment grâce à la régulation des marchés, ou encore quand ils demandent « une mise en place rapide et efficace des mesures annoncées ». Car ce prêt de trésorerie dont le remboursement est possible sur deux à cinq ans ne résoudra rien si les prix ne suivent pas. Tout au plus est-ce « un ballon d’oxygène », pour Patrice Coutin qui ne compte pas en rester là.
Le président de la FDSEA veut en effet que les banques s’engagent davantage auprès des agriculteurs en prenant à leur charge les frais de dossier de ces prêts. Il demande par ailleurs à l’Etat de faire une pause sur les contraintes environnementales. Quant à Philippe Moinard, président de la FRSEA, il rappelait aussi que « cela fait trois ans que ça va mal » pour les producteurs de viande bovine et ovine. Et l’un comme l’autre ne veulent surtout pas d’un plan qui n’aurait d’urgence que le nom. Comme le plan Barnier de 2008, contrairement à ce qui avait été annoncé.