Repenser l’approvisionnement de la filière cognac
L’étude de conjoncture de la Banque de France met en lumière des difficultés dans la plupart des entreprises, en particulier en matière d’approvisionnement. La filière cognac semble bien résister.
L’étude de conjoncture de la Banque de France met en lumière des difficultés dans la plupart des entreprises, en particulier en matière d’approvisionnement. La filière cognac semble bien résister.
«Nous avons besoin de débloquer certaines forces. Il faut bouger vite, nous avons beaucoup de choses à faire pour nous adapter », estime Jean-Charles Vicard, président de l’Union patronale de la Charente, en préambule de la réunion consacrée à la conjoncture économique et aux nouvelles formes d’approvisionnement organisée à la CCI de Cognac. Nathalie Bastiani, directrice départementale de la Banque de France, note que deux phénomènes se superposent : une hausse des chiffres d’affaires et une baisse de la rentabilité. « En Nouvelle-Aquitaine, l’économie s’est plutôt bien tenue. C’est ce que relève notre enquête auprès de 950 entreprises, représentant 150 000 emplois. On trouve les mêmes difficultés qu’au niveau national. » L’enquête régionale confirme que « le coût de l’énergie a un impact sur la rentabilité des entreprises » et que la situation actuelle crée « un sentiment de vulnérabilité chez les chefs d’entreprise qui tend à se généraliser. »
Sur la filière cognac, les problématiques demeurent le coût de l’énergie, l’approvisionnement et le recrutement. Alors les entreprises s’organisent. « Il y a plus de solidarité de mise en place dans les maisons de cognac qui se dépannent sur certains modèles de bouteilles », explique notamment Tatiana Métais déléguée générale du Syndicat des Maisons de Cognac. Elles réfléchissent aussi à des alternatives, à du sourcing local ou à limiter le transport. « Sur l’énergie, elles n’ont pas attendu la crise pour faire des efforts », reprend Tatiana Métais.
Raccourcir la zone d’approvisionnement
Des efforts et de l’idée. Thomas Gonon, président de la maison A. de Fussigny, est revenu sur les changements apportés dans sa gestion. « On a fait le choix du local, ça a de vrais avantages de tout avoir à proximité, surtout en période de crise. » 85 % de ses fournitures viennent de France, le reste est à moins de 1 500 km. Il est également revenu sur le lancement de sa bouteille de cognac en lin conçue et développée par une start-up toulousaine Green Gen Technologies : « Ça nous évite de dépendre d’un seul fournisseur, comme c’est le cas pour le verre. » La maison travaille également sur les étiquettes, l’emballage et des plastiques dits végétaux. « Ça permet aussi de réduire les coûts », note-t-il. Avec un bémol à surveiller : l’acceptation du consommateur. « Il a l’habitude d’avoir des bouteilles lourdes. » L’impression de qualité est liée au poids ressenti, bouteille en main.
Le packaging n’est d’ailleurs pas en reste. Pour Jean-Pierre Bernadet, président d’Atlanpack qui représente 400 entreprises néoaquitaines de la filière, il est important de rappeler que « nos entreprises peuvent aussi être les problèmes d’approvisionnement de leurs clients. Tout le monde souffre et nous sommes les fournisseurs d’une autre industrie » Et il invite les chefs d’entreprise à utiliser un maximum de leviers. « Quand dans mon entreprise, on a mis en place la RSE, c’était vu par beaucoup comme une contrainte. C’est d’abord un moyen d’être performant et d’anticiper certaines contraintes. » Toutes les entreprises ne sont pas égales face à la crise. « Beaucoup de petites et moyennes entreprises que je côtoie voient apparaître de nouvelles contraintes. On voit aussi une différence d’approche comparé aux grands groupes. »
L’allongement des délais de production est également préjudiciable. « On se retrouve à devoir anticiper des investissements », sans forcément avoir la trésorerie ou une échéance claire. Ce peut être des machines, voire certaines entreprises qui achètent des bouteilles en volume « au cas où » et se retrouvent avec un nouveau problème : celui du stockage.
Enfin, Jean-Pierre Bernadet estime qu’une erreur serait d’estimer que la situation va redevenir normale. « Ça me rappelle ce qu’on entendait lors des chocs pétroliers. Nous sommes sur une situation où nous devons réfléchir à nos modèles économiques. » Les chefs d’entreprise, en particulier de PME et TPE pourront-ils saisir la balle au bond ? « Ils sont une minorité à avoir accès à l’information. Il faut sortir la tête de l’entreprise. Ici, le tissu économique est plutôt pas mal, c’est plutôt positif. Il faut se demander comment on travaille. »