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« Roxane » met l’agriculture sur le devant de la scène

Pour son premier long-métrage « Roxane », dans les salles le 12 juin, Mélanie Auffret, réalisatrice de 27 ans, signe une comédie sociale émouvante qui véhicule un message optimiste. Guillaume de Tonquédec y campe un agriculteur des Côtes-d’Armor.

Quel regard posiez-vous sur le monde rural avant le tournage du film ?
A-t-il évolué aujourd’hui ?

Guillaume de Tonquédec : Mélanie m’a proposé un stage agricole, d’une semaine, absolument nécessaire ne serait-ce que pour prendre une poule dans les bras. J’y ai appris tout le côté technique, comment traire une vache, planter des haricots. Je me suis également entraîné, chez Jean-Pierre (l’éleveur de poules), à avancer extrêmement doucement au milieu des 12 000 poules. Ce côté humain m’a beaucoup touché. Je ne comprenais pas très bien cette histoire d’un suicide d’agriculteur tous les deux jours en France. Pour moi, c’étaient des faits divers dans les journaux, je ne voyais pas très bien à quelle réalité ça correspondait. En les rencontrant, j’ai compris la valeur de la transmission, c’est-à-dire que lorsqu’on perd son exploitation, on ne perd pas seulement son emploi, on perd un héritage, quelque chose qui se transmet de génération en génération. C’est une injustice absolue, une forme de trahison du passé. Je comprends qu’on puisse en perdre sa raison d’être. Être agriculteur est un sacerdoce, une véritable passion pour la terre et les animaux. Tous les agriculteurs rencontrés m’ont dit qu’ils ne pourraient pas et ne voudraient pas faire autre chose. J’ai aussi découvert la modernité des campagnes, les images d’Epinal qu’on peut avoir du paysan isolé et déconnecté du monde sont totalement fausses. Le contraste est intéressant. En amont, j’avais lu « Le cheval d’orgueil » de Pierre-Jakez Hélias, qui parle très bien du monde agricole, ou encore « Une soupe aux herbes sauvages » d’Émilie Carles, sur la mutation de la campagne vers la modernité.
Dans un monde qui perd ses repères, j’ai rencontré un socle solide, avec des valeurs héritées il y a longtemps et cette envie de les transmettre à quelqu’un qu’on choisira. Ce n’est pas seulement un métier, c’est tout un héritage.

Avant de faire ce film, aviez-vous conscience des difficultés
que rencontre le secteur agricole ?

Mélanie Auffret : Évidemment. Mes grands-parents étaient agriculteurs mais j’ai surtout observé mes cousins, eux aussi dans le milieu agricole. J’avais envoyé un reportage à Guillaume, diffusé lorsque j’étais encore collégienne, d’un éleveur de Limousines qui avait dû investir dans de nouveaux bâtiments pour respecter les normes et le bien-être de ses bêtes. Il s’était endetté, sa coop avait fini par le lâcher, et il n’avait pas pu rembourser son prêt. Sa ferme avait été démantelée et je me rappelle avoir été bouleversée. Pour le film, les agriculteurs que je côtoyais n’ont pas été confrontés à d’aussi grandes difficultés. Jacques, alias Monsieur Faucheux (qui a aussi joué dans le court-métrage « Sois heureuse ma poule » réalisé en 2017 par Mélanie Auffret) a créé un groupe de parole pour éviter la solitude et les suicides chez les agriculteurs.

Guillaume de Tonquédec :
Il y a des bonnes volontés mais on est un peu broyé par le système. Il faut que les métiers soient revalorisés, mieux les considérer et mieux les payer. Les agriculteurs doivent vivre et non pas survivre de leur métier. Je suis un simple comédien et quand on accepte un personnage comme ça et qu’on a envie de fouiller un peu et de faire son travail honnêtement, j’ai découvert beaucoup plus que ce à quoi je m’attendais. Je pensais apprendre des termes et des gestes techniques, j’ai découvert un univers. Je me suis senti une responsabilité. Il y a une certaine poésie dans le personnage principal mais aussi une humanité et une réalité derrière. Je voulais être à la hauteur des gens que j’ai rencontrés et surtout jamais dans la caricature.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’accepter ce nouveau challenge ?
Guillaume de Tonquédec : À l’époque, Mélanie avait 26 ans lorsqu’elle a écrit le film, et elle a choisi de parler de quelque chose qu’elle connaît très bien. Elle aurait pu raconter une grande histoire d’amour, une de plus, mais elle s’est attaquée à un sujet lourd et plutôt grave qui est le mal-être agricole des petits exploitants et elle a raconté que, malgré tout, il se passe de belles choses dans nos campagnes. Elle délivre un message d’espoir, émouvant mais également teinté d’humour. Elle a une vision de femme sur cette société et on remarque que le personnage est beaucoup sauvé par les femmes dans l’histoire. J’ai eu un coup de foudre absolu pour le scénario. La rencontre avec Mélanie, qui est une Bretonne têtue, m’a plu.

Mélanie Auffret :
Je pense que ma personnalité les a amusés, je savais très bien ce que je voulais raconter. Un film est un réel investissement personnel, si vous ne sentez pas la personne avec qui vous travaillez, c’est compliqué. Une fois que Guillaume a dit banco, je ne l’ai plus lâché. Il s’est donné corps et âme pour le film.

L’histoire

Que vient faire Cyrano de Bergerac chez un éleveur de poules bios en Bretagne ? C’est bien le problème de Raymond, qui a toujours tenu caché sa passion pour le théâtre classique. Mais, lorsque, dos au mur, il est soudainement menacé de faillite, il décide de tenter le tout pour le tout. Son idée est aussi folle que désespérée : mettre en scène ses poules, dont son « actrice » fétiche, la bien nommée Roxane, dans des scènes cultes pour créer le buzz sur les réseaux sociaux et sauver avec panache sa ferme, sa famille et son couple.

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