Suppression du TO/DE : La réforme qui ne passe pas
Une disposition du projet de loi de finances prévoit la suppression, au 1er janvier 2019, de l’exonération des charges sociales sur les travailleurs saisonniers, le TO/DE.
Son abandon, qui pourrait être fatal à de nombreuses productions de la région, inquiète la FNSEA Nouvelle-Aquitaine. Philippe Moinard, président de la FNSEA NA, Arnaud Tachon, président de la commission régionale emploi-formation et Jacques Chapolard, président de la FDSEA du 47, département très impacté par la mesure, ont estimé les pertes potentielles.
Depuis plusieurs mois, la FNSEA s’oppose à l’abandon du TO/DE. Que permet ce dispositif à l’heure actuelle ?
Arnaud Tachon : Pour un saisonnier embauché en CDD, à temps plein et au SMIC, le TO/DE offre une réduction de charges sociales de 33%. De plus, cet allègement peut être cumulé avec d’autres mesures de CICE* qui est aussi amené à disparaître à la fin de l’année. De manière indirecte, il a aussi permis d’éradiquer le travail au noir. Il est très utilisé, particulièrement en production maraîchère, arboriculture, viticulture mais pas uniquement.
Quelles seraient les conséquences de l’abandon du TO/DE ?
AT. : Avec la remise à plat des dispositifs envisagée par l’Etat, la perte serait de l’ordre de 189€ mensuels par saisonnier employé. C’est une perte de compétitivité pour l’agriculture qui souffre déjà d’un coût du travail bien supérieur en France par rapport à d’autres pays d’Europe. Nous avons besoin d’un dispositif spécifique pour les saisonniers agricoles pour maintenir l’emploi et gommer les distorsions de concurrence qui existent entre les pays européens sur le coût de la main d’œuvre. Sans ça, il n’y aura plus de production locale.
Philippe Moinard : La perte serait énorme pour notre région qui rassemble 20% des emplois liés à la production agricole en France. Elle pourrait s’élever à 34 M d’€ pour la Nouvelle-Aquitaine. À 189€ par mois et par saisonnier, l’addition grimpe vite... Ce qui est en jeu, c’est l’emploi sur les territoires et le développement des productions à forte valeur ajoutée. La production bio mais aussi celle sous signes officiels de qualité nécessitent beaucoup de main d’œuvre. Elles seront donc particulièrement touchées. Augmenter les charges, c’est remettre en cause l’avenir de nombreuses productions alors que, dans le même temps, on nous promet une meilleure répartition de la valeur ajoutée grâce à la Loi Alimentation. C’est complètement illogique !
À l’échelle d’un département, le Lot-et-Garonne, à combien estimez-vous les pertes ?
Jacques Chapolard : Sur notre département, les 3/4 des exploitants pourraient être touchés. Il s’agit principalement des producteurs de fruits et légumes mais aussi de maïs semence par exemple. La perte engendrée par l’abandon du dispositif TO/DE serait de 4M d’€. Sans cet allègement de charges, les emplois saisonniers seront moins nombreux. 25 000 emplois seraient menacés. Comment les compenser ? La mécanisation ne règlera pas tout. Il faut aussi se demander ce que vont faire les personnes qui ne seront plus employées. La France a déjà perdu 40% de sa production de fraises au profit de l’Allemagne. Même si les exploitations tentent de s’adapter, on ne peut continuer ainsi, ce n’est pas tenable. Nous voulons bien payer nos salariés mais il faut que les salaires soient équivalents en Europe.