Arts
Taguer la ferme, pour mieux la connaître
Milk hip-hop est un projet inédit initié en 2007 par des agriculteurs désireux de sensibiliser les jeunes du territoire et les jeunes urbains à leur travail. Dans les exploitations, la culture hip-hop est prétexte à de belles rencontres.
KPG n’en revient pas. Tout ici le surprend. Le traditionnel « bâton » burkinabé est absent de l’environnement agricole qu’il découvre. « Au lieu de cet outil, le seul utilisé par les personnes qui dans mon pays élèvent une vache, je découvre des robots qui traient les animaux ! », s’exclame-t-il. L’artiste conteur est bousculé. S’il n’en est pas à sa première visite en France, c’est en revanche la première fois qu’il participe à une œuvre artistique en milieu rural.
« Ici, chez Jean-Christophe (NDLR, Jean-Christophe Morin, agriculteur à L’Hôpitaux, commune de Boussais), je suis comme chez moi ! À la campagne ! Comme au Burkina Faso ! Pourtant, il y a quelque chose d’invraisemblable. » La pratique de la danse hip-hop par les agriculteurs du cru exacerbe cet étrange ressenti. L’événement Milk hip-hop serait-il l’œuvre d’un grapheur qui tromperait l’œil égaré de KPG dans la campagne parthenaisienne ? Le beuglement des vaches, le rire des 30 ados accueillis en camp depuis le 22 juillet, les rythmes appuyés des musiques hip-hop qui envahissent la stabulation, le souffle des bombes de peintures balayant les murs de l’exploitation, ne laissent aucun doute. Tout est réalité. « Ce que je vis ici me fait penser à cette maxime burkinabée : Celui qui a entendu parler du lion, ne court pas de la même façon que celui qui l’a vu. »
Une fois digérée, cette expérience influencera sans aucun doute le travail de l’artiste qui, outre les œuvres traditionnelles de son pays, conte ses propres créations.
Ca déchire
L’opération Milk hip-hop connaît cette année sa troisième édition. « Jouer sur les contrastes des univers pour rapprocher urbains et ruraux » est l’ambition de cette opération, montée de toute pièce par les trois partenaires que sont le centre socioculturel de l’Airvaudais et du Val de Thouet, le collectif des agriculteurs et la compagnie E-GO. Le principe est simple. Alors que des artistes proches de la culture hip-hop sont accueillis en résidence, des jeunes âgés de 12 à 16 ans participent à des ateliers de découverte des techniques de graff, du slam et du hip-hop pendant dix jours. Chaque soir, alors que certains découvrent le travail des artistes en création, d’autres sont invités à prendre part aux travaux de la ferme.
C’est alors au rythme de la machine à traire que les jeunes évoluent. « Par groupe de cinq, à la fin du stage, tous auront trait au moins une fois, vaches ou chèvres », explique Jean-Christophe Morin. « C’est marrant », sourit Robert, 14 ans, la visière de la casquette sur le côté. « Ca change », note Mathilde, 16 ans, séduite par les activités tout en contraste qui lui sont proposées. L’un et l’autre, originaires du milieu rural - Robert est de Boussais, Mathilde d’Epannes - sont familiers de l’univers de la ferme. Leur étonnement après quelques jours passés à L’Hôpitaux tient plus de l’intérêt porté par les agriculteurs aux arts urbains que du quotidien des exploitants, leurs voisins. « Accrocher des jeunes du milieu urbain est depuis l’origine du projet notre ambition. Nous y travaillons », commente Delphine Cotilleau, animatrice au centre socio-culturel.
Le ressenti de KPG, la richesse des échanges nés de ce choc des cultures, la nature du travail produit après quelques jours de partage entre conteur burkinabé et slameur, avivent l’envie d’aboutir. On ne compose pas un slam avec les mêmes verbes après avoir slamé au cœur d’une exploitation agricole. On ne pratique pas la même agriculture après avoir trait les vaches sur les rythmes hip-hop. Pas plus que les maisons de Robert, qui se rêve futur architecte, ressembleront à celles qu’il imaginait avant de découvrir le graff. « C’est sûr, raconte-t-il, le crayon à la main, délimitant mécaniquement sur une feuille les lettres de l’alphabet. Quand je travaillerai, je ferai des maisons avec des murs immenses sur lesquels on pourra graffer. »
Pour participer
Un peu de temps disponible, soucieux de promouvoir l’image de l’agriculteur, animé par l’envie de découvrir ce qui se passe ailleurs, disposé à mettre un peu de couleur sur les murs de l’exploitation... Tout agriculteur qui exprimerait au moins l’un de ces souhaits peut prendre contact avec les agriculteurs du collectif ou les animateurs du centre socioculturel. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Milk Hip-hop « ça déchire », assurent les ados, prompts à renouveler l’expérience l’an prochain.
Contact : 05 49 64 73 10.