Tonnay-Boutonne : Les bovins font-ils le bon poids pour entrer dans la barquette ?
Des dizaines d’animaux, autant d’éleveurs ont assuré le succès du concours foire, ce lundi, où acheteurs et vendeurs ont fait des affaires.
Des animaux, il y en avait. De la pluie aussi. Des éleveurs toujours présents. La pluie aussi. Mais elle s’est tenue, sous les averses de ce lundi matin. Un temps pour laisser le ciel déverser toute l’eau, les travées se vidaient. Lorsque revenait un temps plus clément, elles se remplissaient. Entre-temps sous les abris, on se reconnaissait, s’apostrophait, parlait de la conjoncture… et de la pluie. Les bêtes étaient toujours aussi dignes d’intérêt. Dans un premier temps elles avaient été scrutées sous toutes les coutures par des jurys qui attribuaient prix et récompenses. Un travail méticuleux tant l’excellence est au rendez-vous de cette 17ième foire concours. Brassard orange «jury» sur les blouses noires, ils regardent avec attention, jauge cambrures, cul des vaches. En arrière-pensée, la qualité bouchère des animaux, des reproducteurs. In fine, un classement, qui fait des heureux, avec un trophée pour confronter les efforts entrepris. Mais aussi quelques déçus, bien classés, mais pas dans la première place convoitée. Le sésame commercial que représente un prix à Tonnay Boutonne peut booster des ventes, confirmer la conduite d’une exploitation. Lorsque résonne la cloche, vers 10 h 30, les ventes peuvent alors commencer. Acheteurs, bouchers, GMS passent d’animaux en animaux pour fixer le «juste» prix. Pascal Arsicaud estime, carnet en main, que les «prix sont corrects.» Mais comme toujours, les négociations faites sous la pluie resteront confidentielles, scellées par un geste de la main.
La taille de la barquette
Bernard Dubois, Interbev Nouvelle Aquitaine, venait en observateur patenté. Selon lui, les tendances d’achats des consommateurs induisent les orientations des élevages français : «l’exemple de notre groupe d’éleveurs de Charente-Maritime nous le montre. Il est parfois difficile de faire entrer une entrecôte, d’une vache qui fait 600 ou 650 kg, dans les barquettes sous-dimensionnées de la GMS. Cela nous oblige à faire attention à nos poids de carcasses. Nous répartissons les carcasses suivant le poids et surtout suivant la façon de travailler des différents bouchers. Les bouchers traditionnels prennent encore des carcasses d’un poids certain.» Même si tous les bovins trouvent encore aujourd’hui preneurs, il faut, selon lui, veiller, à ne pas poursuivre la tendance à l’alourdissement des carcasses. «L’idéal est d’être dans des poids autour des 450-470 kg.» S’il reconnaît que la génétique a su faire dans l’augmentation, Bernard Dubois imagine des «animaux vendus plus jeunes.»
Le prix affiché sur la barquette induit l’achat. Hubert Cordon, de SVA Jean Rozé, un habitué du concours foire, en convient : «comme la consommation de viandes diminue, cela paraît logique de demander des carcasses moins lourdes. Ce sont les batteurs qui font cette demande : ils vendent moins d’animaux et une carcasse moins lourde fait plus de roulement.» Il regarde le passé : il y a deux décennies, les beefsteaks faisaient 150-170 g, aujourd’hui ils font 80 à 90 g. «Des races comme la Limousine, à l’origine pesait 380 à 430 kg, aujourd’hui, elles font 500 kg. Il faut revenir en arrière !»
«Les consommateurs regardent en second lieu le poids» poursuit Bernard Dubois, «toutes les races sont à la même enseigne sur cette demande de diminution du poids des carcasses. Les carcasses lourdes ne sont pas systématiquement orientées vers de la transformation plats cuisinés» insiste-t-il. «Les portions de viande sont aujourd’hui recalculées dans les foyers. Il y a aussi tout le conseil du boucher, même en GMS où le libre-service oblige à prendre la barquette telle qu’elle est.» Pour Hubert Cordon, «les éleveurs vont revenir progressivement à des animaux moins lourds. Le commerce va les diriger eux-mêmes. Les éleveurs vont s’apercevoir qu’ils vendent moins bien une grosse bête excellente qu’une plus petite tout aussi excellente.» Une autre version de l’offre et de la demande. 4 à 5 ans pour bouger. «Les choses bougent dans le Limousin. C’est dommage que ces gros animaux partent en sous vide, dans les plats industriels, moins valorisés, à l’encontre des efforts des éleveurs.» Pascal Arsicaud n’est pas aussi catégorique : «une grosse pomme de terre coupée en petits morceaux convient autant… il y a toujours des acheteurs pour des vaches lourdes et d’autres moins lourdes.» Constat qu’acquiesce Bernard Dubois pour qui les «débouchés» sont encore différenciés et non excluants. Pascal Arsicaud ramène le débat sur le prix vendu. Objet de la foire-concours de Tonnay Boutonne : «l’important est de faire un prix cohérent pour l’acheteur et pour le vendeur.» Mais pour lui, la décapitalisation des années passées est une réalité et la conjoncture agricole peu favorable à des reprises d’exploitations tant la mise de fonds est importante. «Le troupeau de Blondes d’Aquitaine va s’éroder dans les prochains mois ou années.» Le virage qualitatif sur le poids et quantitatif est à venir.