Un blé sans gluten cultivé chez nous
Cette nouvelle céréale naturelle, combinaison entre du blé dur et une orge sauvage, elle n'aurait que des avantages.
C’est à partir d’un blé dur, nommé Triticum Durum, et d’une orge chilienne, nommée Hordeum chilense, que des scientifiques sont parvenus à créer un nouveau blé, nommé Tritordeum - même si les spécialistes de la botanique et les latinistes tergiversent tant sur son nom que sur sa nature. Une société espagnole, Agrasys, a obtenu les droits exclusifs sur cette nouvelle céréale. Ce n’est pas un OGM, mais une variété issue de croisements successifs. On avait déjà connu cela avec le triticale, à une époque. La recherche sur ces croisements de part et d’autre de l’Atlantique a débuté dans les années 70 en Espagne. Et cette nouvelle céréale revêt de bons atouts agronomiques et technologiques, sans parler nutritionnels, car elle réduit les taux de gluten (voir notre édition du 10 août dernier). Au début, croiser un blé tendre et une orge rendait la descendance peu fertile, donc peu intéressante pour sa production agricole. On a fabriqué des cultures in vivo, puis utiliser le doublement chromosomique. On a remplacé le blé tendre par du blé dur. Une orge sauvage du Chili a réussi le mariage, blé dur mâle avec orge femelle. Mais c’était toujours stérile. On a traité les plantules à la colchicine qui permet d’établir le caryotype. C’est alors qu’est né le tritordeum, plante hexaploïde, comme le blé tendre. Une sélection a ensuite permis obtenir des lignées performantes. Son avantage : une bonne valorisation de l’azote et une résistance à la sécheresse. Et sa valeur boulangère, égale à celle du blé, montre que les grains ont plus de caroténoïdes (d’où la farine jaune) et moins de protéines indigestes (le gluten).
Création de l’homme (à Cordoue, en Espagne), le tritordeum pourrait donc trouver un créneau en France. On y pense en Bretagne, mais aussi à la coopérative-minoterie de Courçon, qui l’a présenté aux récentes journées Aliments et Santé de La Rochelle en juin dernier. En 2015-2016, les premiers essais d’Agri-obtention étaient prometteurs. La société Bücker France commercialise déjà un levain déshydraté biologique issu du tritordeum, et le premier pain tritordeum a été lancé par les Établissements Moulin, fournisseurs du Nord, de la filière bio. Plus de 1500 ha ont été ainsi cultivés en Europe.
Une haute valeur ajoutée
Selon la société Agrasys et sa filiale de Barcelone, «au niveau agronomique, c’est une céréale robuste, résistante aux pathogènes et aux rendements similaires à ceux du blé dur. Grâce à sa faible demande en eau et en engrais, elle s’adapte très bien aux exigences de l’agriculture durable.» Culture du sud de l’Europe, elle pourrait donc émigrer vers le Nord et la plaine d’Aunis. Ses grands épis, ses grains longs et remplis, issue de sa mère, l’orge, ont conduit à plus de 80 lignées de sélection, donnant en tout 250 lignées de tritordeum. Avec un rendement inférieur au blé tendre, 3 à 5 t/ha, cet hydride pourrait donc connaître un développement sous nos latitudes.Sa farine convient autant pour les pains que pour les pâtisseries ou les biscuits jusqu’aux pizzas. «Sa farine est facile à travailler», assure Agrasys. Même s’il faut adapter les outils à cette nouvelle céréale. Les produits boulangers laissent exprimer la lutéine de la farine de tritordeum (antioxydant). Il y en a 10 fois plus que dans le blé tendre. Lutéine bonne pour les yeux au soleil et les maladies ophtalmiques - enfin, c’est ce que dit Agrasys. Mais surtout, le tritordeum contient moins de protéines immunogénétiques (gliadines du gluten), moins de gluten. Et 30 % de fibres en plus sur un blé tendre. «La haute teneur en fructanes est reconnue comme étant des prébiotiques, qui favorisent la flore intestinale.»