Stocks
Viande caprine : une filière en grande difficulté
A l’inverse de la filière agneaux, la résurrection de Pâques n’a pas eu lieu pour la filière caprine. Achetées en dessous des coûts de production des engraisseurs, des centaines de tonnes de chevreaux sont dans les congélateurs des abatteurs.
A l’inverse de la filière agneaux, la résurrection de Pâques n’a pas eu lieu pour la filière caprine. Achetées en dessous des coûts de production des engraisseurs, des centaines de tonnes de chevreaux sont dans les congélateurs des abatteurs.
500 tonnes : c’est la quantité de viande de chevreau stockée dans les réserves de Lœul et Piriot. Une catastrophe pour l’abatteur de Thouars, qui cherche dorénavant à écouler cette marchandise. « Malgré l’appui des GMS pour la promotion du chevreau, le marché français, qui représente 30% des volumes, a chuté de 50% sur la période pascale », indique Philippe Rigaudy, directeur adjoint des achats de l’abatteur du nord du département. Associé à des marchés à l’export « inexistants » (Italie, Portugal, Espagne), les ventes ont été réduites à peau de chagrin. Quelques initiatives ont pourtant émergé, comme celle du conseil départemental deux-sévrien, qui a financé l’achat d’environ 300kg de viande de chevreau à destination d’une quinzaine d’Ehpad pour Pâques, dans l’objectif de « soutenir une filière d’exception qui représente un poids économique important localement», selon Gilbert Favreau, le président du département.
Une subvention que depuis le 7 mai
Si aujourd’hui les frigos des trois abatteurs nationaux de chevreaux (les deux autres sont en Saône-et-Loire et dans la Drôme) sont pleins, c’est que ces derniers se sont engagés, le 27mars dernier, auprès de la profession, à abattre toute la production. « Les volumes d’abattages ont été similaires aux autres années mais sur une plus longue période, de la semaine 13 à la semaine 17, contre deux semaines habituellement. De plus, les animaux prélevés dans les élevages oscillaient entre 9 et 11kg en vivant car il ne faut pas aller en dessous de 5-6kg en poids carcasse pour la congélation », spécifie le responsable thouarsais. Sans marché derrière, la situation fragilise l’abatteur, qui craint que le manque de touristes au Portugal et en Italie cet été ne fragilise encore plus les débouchés possibles. « Les demandes que nous avons eues depuis quelques semaines sont plutôt vers des produits frais », s’alarme Philippe Rigaudy.
« Nous ressentirons les effets des stocks de chevreaux congelés jusqu’à la prochaine campagne », déplore Franck Moreau, le président de la section caprine d’Interbev. D’autant plus que la commission européenne n’a accepté de subventionner la congélation des stocks que depuis le 7 mai, une hérésie alors qu’en période pascale, un tiers de la production est abattu.
Un manque à gagner de 70 cts par kg
Mais le secteur de l’abattage n’est pas le seul à être inquiet. En effet, si toute la production a été vendue, elle l’a néanmoins été à des prix moindres. « Les trois quarts de l’année, les chevreaux sont vendus 2,70euros le kilo. Cela monte à 4,20euros pour Noël et à 3,40euros pour Pâques. En vendant au prix habituel du marché, cela représente un manque à gagner de 70 cts par kg, alors que le coût de production tourne autour de 2,90euros le kilo », relate Gérard Chabauty, de la Fédération nationale des éleveurs de chèvres (Fnec). Sans cette majoration de prix, Interbev estime la perte économique pour l’ensemble des engraisseurs français à 1,4 million d’euros. La vingtaine d’engraisseurs de la région est donc mise en grande difficulté. « Sans revenu cette année, seront-ils encore là demain ? », questionne le représentant local de la Fnec.
Aujourd’hui, tous les secteurs espèrent des aides, « impératives au vu des trésoreries », pour aider à passer le cap. « On tape à toutes les portes : Europe, État, région, tout est bon à prendre », pour Gérard Chabauty. En attendant, la région s’est engagée à mettre du chevreau dans les cantines des lycées, une aide qui ne sera cependant pas effective avant au moins le mois de juin, si jamais les établissements rouvrent avant l’été.
La profession travaille de son côté à une grande campagne de communication pour l’automne, Goatober, afin de sensibiliser les consommateurs et de pousser les GMS à proposer plus de chevreaux dans leurs rayons. En espérant stimuler de nouveaux marchés et proposer quelques débouchés supplémentaires d’ici la fin de l’année.