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Viande : des étiquetages parfois trompeurs dans la Vienne

Alors que les produits français ont eu le vent en poupe pendant le confinement, un consommateur de Poitiers a fait parvenir à la rédaction une photo prise dans une grande surface montrant un étiquetage de viande pour le moins trompeur. Inattention, erreur, ou tromperie volontaire?Difficile de savoir. Mais la rédaction en a trouvé d’autres, dans plusieurs magasins de la Vienne.

© Guillaume de Werbier

Je suis sur le cul. Donc ils le font régulièrement ! » Barthélémy n’en revient pas. Plus de 15 jours après nous avoir envoyé une photo prise dans un magasin Lidl de Poitiers, montrant que l’origine France indiquée sur l’étiquette du prix était fausse (puisque sur l’emballage, il est indiqué que le poulet a été élevé et abattu en Allemagne, voir la photo ci-dessus), nous lui avons appris ce lundi que l’erreur était toujours en place. Dans le magasin, la responsable nous a confié ne pas avoir l’autorisation, par l’enseigne nationale (1), de commenter notre découverte, mais a de suite retiré l’affiche du prix qui indiquait « volailles françaises ». Avant d’ajouter qu’elle reçoit les barquettes et affiches en même temps. Ce qui signifie que bien d’autres magasins de l’enseigne ont dû mettre en place le même affichage. « Ce n’est pas tout à fait une fraude » commente quant à elle Stéphanie Petitjean. La directrice de la DDPP, que nous avons contactée, explique que « sur le produit en lui-même, l’origine est clairement indiquée ». Étonnés de cet affichage tout de même clairement trompeur pour le consommateur (d’autant qu’il faut une bonne vision pour pouvoir lire l’origine de la viande sur cet emballage), nous avons décidé de rendre visite à d’autres supermarchés du département: Leclerc, Auchan, Netto, Intermarché, Super U, Carrefour Contact, Géant Casino ou Grand frais. Et le résultat est mitigé. Si dans la plupart de ces magasins, l’origine est assez clairement indiquée, et sans volonté de duper, dans deux autres, nous avons identifié de vrais problèmes.  Ce qui fait tout de même 1 magasin sur 3 avec des affichages à revoir... À Géant Casino, sur les barquettes de filet mignon de porc, sur lesquelles était apposé le logo « Porc français », c’est bien un animal élevé et abattu en Espagne qui était indiqué dans l’origine (voir la photo ci-dessous). Le responsable du rayon, interpellé dès que nous avons constaté le problème, a de suite retiré la viande du rayon et demandé à ce que la mention « Porc français » soit retirée, et plaide l’erreur. « Nous prêtons beaucoup d’attention à l’étiquetage que nous réalisons, mais nous emballons tellement de morceaux, qu’il peut nous arriver de faire des erreurs ». Si la faute d’inattention est bien sûr possible, on se dit quand même qu’elle est étonnante de la part de professionnels. Dans un des supermarchés qui ne présentait aucun souci, nous avons interrogé le responsable du rayon sur la difficulté à appliquer les règles de traçabilité et d’affichage. « Nous sommes formés pour ça ! Ce qui est difficile, c’est de passer d’un magasin à l’autre, puisque les méthodologies sont différentes. Mais lorsqu’on connaît le fonctionnement, il faut avouer que l’informatique nous aide bien à faire les choses correctement ». A Grand Frais, l’affichage que nous avons vu mardi dernier était également étonnant. Sur la quasi-totalité des barquettes de viande, impossible de trouver les informations de traçabilité (souvent représentées dans un ovale, avec les initiales du pays d’abattage, suivies par le numéro du département). Interrogé, le responsable du magasin s’est vite agacé et a assuré qu’il n’avait pas à indiquer ces informations, puisque l’enseigne fait abattre dans son propre abattoir. Le responsable qualité national de l’enseigne n’a pas fait suite à nos demandes d’explication sur le sujet. Sur ces mêmes morceaux de viande,  nous avons également été étonnés de constater que lorsque la viande est française, l’origine est indiquée sur le dessus de la barquette, alors que lorsqu’elle provient d’un autre pays, il faut retourner la barquette pour voir cette origine. Alors bien sûr, ce n’est pas une fraude, mais il faut être un consommateur particulièrement attentif pour le voir. « Quand on a un œil averti, on voit ces soucis, mais pour la plupart des consommateurs, ces pratiques sont trompeuses ! » s’agace Guillaume Poinot. Le président de la Coordination Rurale de la Vienne explique lui aussi avoir constaté, il y a quelques semaines, que de l’agneau sans origine indiquée était placé à côté de morceaux du Poitou-Charentes, dans un magasin du département. « Il faudrait tout le temps être en train de les surveiller » ajoute Denis Bergeron, président de la FNSEA de la Vienne, qui mène régulièrement des opérations syndicales dans les grandes surfaces. « Mettre en avant les produits français, c’est bien, mais le souci, c’est qu’ils ont aussi la volonté de faire une marge intéressante. Les pratiques sont souvent plus que limites. » Des pratiques également dénoncées par Nicolas Fortin, porte-parole de la Confédération Paysanne de la Vienne. « Le réseau a récemment fait remonter de telles pratiques au ministère. Je crois que le souci, c’est que la répression des fraudes ne fait pas son travail. On peut toujours dire qu’il s’agit d’oublis... mais c’est étonnant qu’il y en ait tellement ! ».
(1) L’enseigne nationale n’a pas non plus fait suite à notre demande d’interview.

Signaler à la répression des fraudes?

Après avoir constaté les erreurs et évoqué le sujet et les grandes surfaces, la rédaction a décidé de signaler ces anomalies, sur le site signal.conso.gouv.fr. Depuis le mois de février, tout consommateur peut signaler via ce site toutes les anomalies qui concernent les achats sur internet, la restauration, les grandes surfaces, les banques, assurances ou mutuelles, les loisirs, les intoxications alimentaires, le secteur de la santé, les services aux particuliers, et bien sûr les achats en magasins. Il ne faut que quelques minutes pour décrire le souci, y joindre une photo, et identifier l’entreprise. Chacun peut  choisir de faire cette déclaration de façon anonyme ou nominative ( afin de se faire connaître de l’entreprise incriminée). Un accusé de réception est envoyé de suite par mail. « Cette application peut faire évoluer notre plan de contrôle » explique Stéphanie Petitjean. Si la répression des fraudes ne diligente pas systématiquement de contrôle après un signalement, elle assure que si les signalements sont nombreux ou fréquents, elle peut en déclencher. À noter que l’entreprise mise en cause reçoit elle aussi une notification de ce signalement.

Réglementation
Pour tous les produits bruts (fruits, légumes, viande, poissons et miel), le pays d’origine doit obligatoirement être indiqué. Pour la viande, les lieux d’élevage et d’abattage doivent être indiqués (si le pays est le même on peut indiquer « Origine »).
Depuis le 1er avril, il est également obligatoire d’indiquer l’origine du produit majoritaire dans un plat transformé.
Par exemple, l’origine de la viande dans un plat de lasagnes.

Que risquent les GMS?
Renseignement pris auprès de la DDPP, on se rend compte que les grandes surfaces ne risquent pas grand-chose. En cas d’anomalie mineure, un avertissement est rédigé. Lorsqu’un risque de tromperie est constaté, c’est une mise en demeure de corriger l’erreur qui est réalisée, mais sans contravention. Le risque est donc très limité... Enfin, si un délit est clairement constaté ou une réelle volonté de tromperie identifiée, un procès-verbal est transmis au procureur, et une contravention peut être réalisée. Niveau contrôle, Stéphanie Petitjean explique que la DDPP réalise des visites inopinées selon un plan de contrôle établi à l’année, et qui peut être modifié selon les signalements qu’elle reçoit (lire l’encadré si dessous). 8700 ont été menés en 2018 sur la France entière, qui ont permis de détecter 3600 anomalies.

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